f. LE Du PEUPLE f: z DE LA SCIENCE SOCIaE. 1849. 48iO. LE SALUT DU PE[PLE DE LA SCIENCE SOCIALE. c. flurnéro I - 40 kcrnbrc 4849. flumro 6.—40 Lilcit 480. G francs par au pour Paris. flepartemens: ‘ rrancs. lin numéro: 4) centimes, CHEZ J. BALLARD, LIBRAIRE, A LA PROPAGANDE, , RUE DES BONSENFAS. 18O Cet ouvrage, achevé d’imprimer le 15 Septembre 1967 par les ateliers de Galli Thierry & C. à Milan, a été tiré à cinq cents exemplaires sur papier vergé à la main. EXEMPLAIRE N° 426 EDHIS Editions d’Histoire Sociale Réimpressions de textes rares 10, rue Vivienne Paris 2 Réimprimé d’après l’exemplaire de la collection Michel Bernstein, Paris. LE SALUT PEUPLE DE LA. SCIENCE SOCIALE. fluink 4. — 40 Dkcrnbn 4849. 6francs par an pour Parlfr. — Oépartemen s fraRscN Un nnmero: 60 centImes. --- CHEZ J. BALLARD, LIBBAI[Œ, A. LÀ PROPAGA.NDE 1, RUE flES BOSErFANS. 1849. - LE SAUJ’f DII 1!EIJI!IIL INTRODUCTION. Nous ne venons rien promettre dans cet avertissement: nous voulons seule. nient dire quels sont nos principes, notre but, nos moyens généraux, l’esprit de cette publication, la nature des sujets qui doivent y être traités. Le lecteur n’exige rien de plus; car pour le reste, il attend l’oeuvre, afin de la juger non sur ce qu’on affirme qu’elIe doit être, mais sur ce qu’elle sera effectivement. Ce qui est vieux est prét dtre aboli, disait saint Paul; nous agirons comme l’apôtre chrétien: nous ne voulons pas ranasser les dernières feuilles de l’arbre dont la sève est épuisée. Nous préférons arroser la jeuee tige qui promet des fruits savoureux et dont l’ombrage doit abriter la génération prochaine. Nous sommes donc les hommes du progrès, c’est-à-dire du mieux à tous ses dégrés, du mieux pour tout le monde. Nous avons peu de goût pour les causeries littéraires; et réussirions tuai à entreprencfre une oeuvre de style: notre amour est tourné vers de plus grands et de plus pressans intérêts. Nons entendons aborder sérieusement, traiter à fond toutes les importantes questions qui agitent notre époque. Not”e but est de vulgariser la science la plus importante, la plus indispensable, la plus utile pour tous, et même la plus désirée du genre humain: la sctence du lonhcur; car la science sociale n’est pas autre chuse: elle comprend, en cirer, tout à la fois la philosophie, la religion, l’économie sociale et matérielle, ce qu’on appelle vulgairement les sciences morales et politiques, enfin la philosophie de l’histoire. Mais, hâtonsnous de le dire, notre constante préoccupation sera (le mener de front l’idéal et le réel, la théorie et la pratique, la science et l’app’ication, la critique et l’organisation. — Sur chaque question douteuse, nous entendons faire connattre le pour et le courre, comme doit se le proposer tout écrivain qui connait les limites de la certitude individuelle, afin d’arriver à convaincre plus encore qu’à persuader; et à toute chance, afin d’éclairer, de priiicttre à chacun de se constituer, en connaissance de cause, arbitre des (ldïérends en litige. Dans notre intention, comme dans nos doctrines, tous les intérêts repectablea —4— sont sauvegardés; toutes les croyances, fécondes et consolantes, sont confis’.tuées et abritées; aucun des grands biens de l’homme n’est sacrifié; aucune des légitimes aspirations de l’âme n’est méconnue. Nous voyons dans chaque homme un membre indivisible du souverain et de l’État, prêtre et roi au même tbre que les autres citoyens, et aussi bien qu’eux divin et sacré comme une détermination finie, quoique éternelle, de Dieu dans le temps et dans l’espace. Nous sommes de ceux qui, par l’intelligence, le coeur et la volonté, s’élancent vers le parfait idéal de la vie sociale ,et affirment le credo économique des premiers disciples de Jésus-Christ: De chacun selon ses furces et ses aptitudes; à chacun selon ses besoins; mais en même temps, de ceux qui, sans jamais fléchir devant la nécessité, se résignent cependant à ses déceets, puisqu’ils ne peu.vem les empêcher; et composent pour ainsi dire malgré eux avec ce qui est fatal, avec ce qui est le plus fort, Dans ce sens et dans ces limites, nous n’oublierons pas que toute science u son art; que dans le monde des passions et de l’ignorance relative, on ne parvient presque jamais à réaliser ce qui doit dtre, que par les mesures indirectes qui enlacent peu ‘n peu les volontés et les intérets, et les poussent dans la direction qui mène au bien et au juste. Nous établirons donc une démarcation radicale entre ce qui doit être, ou les principes, et les divers moyens de les réaliser; et parmi ces moyens, ce ne sera pas toujours les plus logiques ou les plus efficaces, qu’il faudra préférer dans l’application à un dtat de moeurs donné. Nous ne confondrons pas le droit ou la justice, avec la charité. Le monde dc la liberté avec le monde de l’obligation, de la loi, de la contrainte. —Il y a Je droit religieux, et le droit social ou politique; or, nous professons que celui-ci ne peut exiger des individus que les moyens et les conditions du perfectionnement et du bonheur collectifs, qui dépendent de la volonté individuelle; qu’au delà tout doit être laissé. au libre arbitre, c’est-à-dire à l’homme dans sa moralité; car dans cette république des consciences, .tout se passe entre Dieu et l’individu; et c’est avec un sens profondément vrai que Jésus- Christ disait qu’une telle république n’est pas de ce monde, entendant par l qu’elle ne pouvait être l’oeuvre de la violence. La science sociale dont nous nous efforcerons d’être ici les interprètes, ne vient point détruire, mais accomplir, c’est-à-dire perfectionner, transformer la propriété, la famille, la religion. La sciencesociale, telle que nous la comprenons en notre âme et cons. cience veut si peu attenter— au droit de propriété, qu’elle prescrit impérieusement de le respecter dans le moindre, des humains; — à la famille, qu’elle (léclare monstrueux d’en concevoir seulement la pensée; — à la religon, qu’elle considère comme vaine et stérile toute révolution sociale, toute doctrine, qui n’a pas pour mobile principal le sentiment religieux. En ce qui nous regarde, le besoin seul d’aider au renouvellement de la foi religieuse, de démocratiser, c’est-à-dire d’universaliser la propriét é —5— la famille, et la religion, nous aurait Inspiré la résolution de publier cet écrit. Prévenons, toutefois, que nous entendons la propriété autrement que les propriétaires actuels, et la religion autrement que les prêtres et les pharisiens; que si nons respectons les fondemens naturels, nous répudions la vieille forme. Il est certain que pour être permises à tous, la famille et la propriété devront être modi6ées au préjudice de quelquesuns. Il s’agit assurément de sacrilices dans l’avenir où va pénétrer le mouvement social, car l’heure des derniers priviléges a sonné; mais l’holocauste à la Iustice, ne doit point faire oublier qu’il faut sécurité pour tous, sécurité pour la vie, sécurité pour les moyens d’existence. Violence, spoliation, émeutes, guerres, massacres et représailles, tous expédiens suscités par la colère et la vengeance. Désormais un parti qui prendrait cette devise tiavalllerait infailliblement lui-même à sa prropre déchéance; l’avenir, la puissance, la gloire lui échapperaient. La démocratie n’a de salut que dans le respect de ses propres principes t elle le sait, et eUe. la déjà solennellement prouvé. Renouveler les sentiinens et les idées, voilà son but; persuader, voilà ses moyens. Le reste : le renouvellement des faits, des institutions et des lois, viendra de soi et comme par surcroît. Qu’avons.nous besoin d’une force brutale et colère qui n’engendre que des générations de combattans, si Dieu est avec nous, c’est’a-dire si nous avons. la vérité et pratiquons le bien? La voie providentielle est toute tracée; et nul guerrier ne doit la profaner en s’y installant. Exécrons donc désormais de touie notre énergie, aussi bien l’esprit païen qui engendre ou perpétue les soldats-janissaires liberticides, les gendarmes, les polices, les prisons et les bourreaux, que la tradition léricale et féodale, qui engendre ou perpétue les pharisiens, les autocrates et les puissances par droit divin. Changez les idées, vous changez les moeurs: changes les moeurs, vous changez les sociétés. II faut toujours en revenir là lorsqu’on veut bâtir à neuf. G’est la seule bo’nne politique; c’est celle des grandes généràtions. La démocratie doit se proposer d’établir l’équilibre; mais non de faire passer la balance d’un extrême à l’autre: qui dit démocratie, dit équilibre. Pour ramener tout le monde au devoir et à l’amour, il faut être juste et. miséricordieux envers tout le monde : ce n’est point là un expédient suggéré par la faiblesse; c’est la morale appliquée à la politique. Par cette foi, nous. ne voyons que des frères dans toutes les classes et toutes les conditions; mais. nous distinguons nettement entre ceux qui aiment sincèrement l’humanité, le peuple; qui, pour preuve de leur bienvaillance, lui laissent ses droits et sa liberté; et ceux qui, étant indifférens à son sort, l’exploitent et le subjugent. Nous ne haïssons pas le malfaiteur dans son essence; mais nous combattons le mal en lui; car nous haïssons le mal, C’est ainsi que, voulant le salut de tous,, nous ne flatterons personne. Nous écrivons pour ceux qui cherchent la vérité, le bien, dans quelque po.. —6 —. altion qu’ils soient. Que si la vétité est favdrahle aux pauvres, c’est ttpparenlment parce que de sa nature elle est favorable fr tout le monde. Qu’on s’en prenne donc à la vérité. Je voudrais bien qu’on me montrât une seule r&igion ui, dans sa lettre ou dans son esprit, n’ait pas été favorable aux déshérités 1e la grande famille? Nous dirons donc ce que nous croyons être la vérité, aux riches comme aux pauvres; aux pauvres comme aux riches: la érité est bienfaisante. Dépend-il de nom de hâter le renouvellement social? Il faudrait être Turc pour le nier: c’est une oeuvre de sincère réconciliation que nous entreprenons. Nous faisons appel à l’amour, à la douceur, ‘n la bouté: non pas du tout à la erainte et à la contrainte. Cependant, à tous prix il faut que les droits consacrés par la morale univernulle, soient respectés on recouvrés ; car il est des énormités que nulle charité n’a le pouvoir d’absoudre. Nous ne dirons pas que la loi future doit indistinctement respecter les droits hequis sous l’ancienne: il faut pour cela que les droits acq ais par les uns, noient compatibles avec les droits à aequdrir des autres: or, il y n encôre des priviléges, et d’énormes. Sans jamais souhaiter le mal des riches, nous pensons avant tout au pan‘ res, ‘n nos frères sans asile, sans pain, sans lumière, sans consolation I Et ici nous sommes arrêtés par un sinistre pressentiment: marcherions-nous rapidement vers une époque où il ne serait plus question, même jusqu’aux mots, de th’oit, de justice et d’humanité: où tout serait cupidité, sensualité, passions odieuses, haine et vengeance, honte et bassesse, besoins grossiers et terreura paniques? Le sens moral est atrophié; le doute n desséché les sources vives du coeur et tie la conscience; les caractères sont abaissés; et la politique, comme la relipion, n’est plus que l’art de river les fers des peuples sans quil s’en doutent. Quant à l’insurrection, comme moyen de salut et soupape de sûreté pour nu peuple aux abois, nous n’avons pas besoin d’en faire la théorie ni d’y exhorter: le peuple se charge toujours de la besogne, et il serait burlesque de lui en contester le droie, lorsque le môment solennel en est venu; c’est-à- dire lorsque la loi d’équilibre du monde moral ou de la purification générale fait briller ses éclairs et éclater ses tonnerres. Mais, comment s’épargner l’holocauste,, et éloigner le cataclysme social qui menace la civilisation de l’Occident? Le peut-on encore? oui, par des contessions intelligentes, opportunes, radicales, de la part de ceux qui seuls ont des concessions à faire; concessions, qui n’étant que justes, auraient l’apparence d’être généreuses. La transformation pourra n’être point sanglante, cela dépend absolument e la conduite des privilégiés. L’histoire n’est point obligée de se répéter ser1lement, et à ce point. On peut obtenir une nouyelle nuit du 1 août par la ‘Voie pacifique et par la seule vertu de la manifestation souveraine du pouple, serinais conscient de son droit et de sa force; on peut obtenir la déchéanre — 7 .— des derniers priviléges, comme on désarme quelques hommes d’iniquité, lors. çu’ils se voient circonvenus de tous côtés par une force et un démoiistratio accablantes. La France s’ablmera dans l’anarchie; ou l’égalité des conditions sera réa litée avant un demi-siècle. Napoléon disait Républicains ou Cosaques; Les Socialistes disent: solidarité, unitd économique, un d(cadence. Depuis que l’histoire tient les annales du genre humain, il n’y a jamais cii, d’évolution sociale sans révolution; ni de révolution sans cataclysme et cou.. tiagration. Riches et puissans, faites mentir l’histoire: vous serez bénis et aauvés !... Pour nous, dans L’atteitte douloureuse d’événemens extraordinaires et terribles, nous dirons à nos frères des villes et des campagnes: Quand mugira hi tempête, précurseur du grand trouble des hommes en Europe, munissons. nous d’une grande foi jointe à une grandecommisération : séparons les boucs des brebis; mettons les uns à droite, et les autres à gauche, non pas pour envoyer les boucs à la géhenne du feu; non il faut laisser à Dieule Soin dci chaument. Notre devoir, notre droit n’est pas de punir le mal, mais de l’eut.. pêcher; — de châtier le malfaiteur, mais de l’amener à amendement et repentir, après l’avoir rendu impuissant au mal. Par la loi et les institutions d’égalité pour tous, détruisons alors radicale. nient les priviléges, mais respectons les privilégiés dans leur vie, dans leurs 4roits naturels, dans leur avenir, pourvu qu’ils respectent eux-mêmes les droits, la vie eu l’avenir égal de tous leurs semblables; car encre égaux lii réciprocité est de rigueur. Offrons-leur donc ce jour là la condition commune: Vivre en travaillant1 Plus de distinctions factices, mais aussi plus (le proscriptions systématiques. Traitons nos frères enneriiis en frères égarés: ‘n lii haine, à 1a vengeance, ‘u la violence sanguinaire qu’ils nous enseignent, substituonsgénéreusement Vé.. galiLé, la fraternité, la bonté. Nous ne sommes pas une classe égoïste triomphante, venant se superposer à une autre et lui disant: ôte•toi de là: .cest à non tour; non, c’est au tour de l’humanité, du peuple redevenu ce qu’il doit être, une famille indivisible étsoll. dairé. Les socialistes, qu’on se le persuade bien, viennent faire place au soteil pour tout le monde. N’oublions pas un seul instant que le mal est moins dans les hommes que dans les institutions. Les riches sont victimes du préjugé qui consacre les richesses mal acquises. La ‘vieilLe tradition les a faits ce qu’ils sont une nouvelle tradition les renouvellera: établissons un nouveau droit, de nouvelles relations e les hommes se feront à l’image du hou principe. Avec une pareille intention dans le coeur etune telle conduite dans la réaht politique, le triomphe du socialisme est certain et prochain, C’est h ce signe çue les peuples reconnattront qu’il vient de Dieu et qu’il convient aux boni— mes. —8— Ceux qui, après cela, s’en épouvanteraient encore, prouveraient qu’ils fei guen L’épouvante. A tout prix, maintenons la vérité, assurons lui la puisssance et la ‘tictoire; attaquons le mal jusqu’à ses dernières racines; mais arrêtons•nous là. Maintenant, ce que nous voulons doit être sensible à tous. Nous voulons tes priricipes les moyens suivans: les uns comme état nor nal et définitif, les autres comme expédions transitoires: flous voulons, dis-je, substituer: Le droit, au fait et à la force; La paix, àla guerre; La discussion, à la violence; La liberté, à la licence; L’égalité des conditions, au privilége; L’esprit de famille, à l’esprit de caste; La fraternité universelle, à l’hostilité et à la diversité de races; i.a souveraineté du peuple, à la souveraineté de quelques.uns; Le gouvernement de tous par tous, ou la démocratisation de l’1tat, ait gouvernement monarchique ou aristocratique; Le travail, à l’oisiveté pour les uns, à l’aumdne, à l’assistance pour les autres; Le nécessaire de tous, au superflu du petit nombre; non, point en spoliant personne, mais par l’impossibilité de fait d’aller à la fortune au préjudice d’air4rni, et par exemple : en pompant, comme fait le capital, les sueurs du rcivai1; Le bien-être à la misère; La science, à l’ignorance; L’Education et l’instruction gratuite, populaire, à l’éducation d’inégalité; La fusion des classes et des intérêts, à la séparation, à l’antagonisme; L’association, à l’isolement; L’économie de temps et de ressorts, au gaspillage; L’émulation devenant progressivement concours fraternel, à la lutte, à la toncurrence, à la rivalité dissolvante et corruptrice; La solidarité universelle des intérêts et des d estnées, ou la garantie autuelle des travailleurs, à leur insolidarité, à leur anarchie et à leur abandon actuel. Le crédit social ou gratuit, au crédit privé et onéreux; La commandite collective, à la commandite individuelle; La production réglementée et régularisée, et l’échange arbiiré, à la pioduclion et à l’échange licencieux ou arbitraires; La propriété collective, la socialisation du sol nationaletdes autres inslruinens e travail, à la propriété particulière de ces instrumens, au monopole; enfin le droit à une fonction sociale, — au droit, à l’accaparement, à l’appropriation individuelle,’absolue:et exclusive des capitaux, avec faculté d’usure et d’abus Ie tout genre. I —9— La participation régulière, proportionnelle aux aptitudes et aux forces dans ltœnvre de production; et proportionriella aux besoins, dans le dividende social, — à la participation aveugle, arbitraire, disproportionnée dans les deùE cas, grâce au droit légal d’oisiveté et d’usure; grâce au revenu, au profit, et à. l’exploitation des travailleurs par le salaire. Enfin, comme limite possible à la solidarité, comme gage de la liberté et de la dignité individuelles, et comme frein aux,passions subversives dans tel milieu imparfait donné, nous concevons la distinction des intérêts d3ns la mutualité,, mais non la séparation ni l’absorption ou confusion. — La responsabilité personnelle, la possibilité de s’appartenir, enfin l’indépendance dans l’ordre peuvent exiger ces limites ‘n la communauté sociale. Et tout cela, nous le voulons et le propageons non pas d’hier, mais depuis 10, 15 on 20 ans: que ce soit là notre titre à l’accueil et à l’attention de nos. lecteurs. QU’EST-CE QUE LE SOCIÂLIS!E? Pourquoi y a-t-il, parmi les hommes, ignorance et ténèbres,, faiblesse et misère, haines, discordes et maLheur? Pourquoi la terre est-elle une valLée de larmes? Parce que les hommes méconnaissent ou violent la loi de solidarité,,. d’harmonie et d’unité; parce qu’au lieu d’être des planètes décrivant fidèlement [‘orbite imposée d’en haut à leur mouvement, ils se font. comètes, et s’égarent dans les voies de la vie comme des astres errans. Tout être a une fin, des destinées à lui spéciales; et devant lu:, des Lois préétablies qu’il doit respecter, s’il est libre, pour atteindre sa fin et accomplir sa destinée; c’est-à-dire pour être parfait et heureux. QuelLe est cette fia, quelles sont ces lois pour l’lwinanité? Tant qu’elle les ignore, les méconnaît ou lés viole, il est imposible qu’elle soit dans son bien, n’étant pas dans son état normal, dans sa nature d’où la souffrance, et la perte du bonheur à elle départi.. Qui peut douter que le développement de l’humanité, son per fectionnement; les relations des hommes entre eux, leur bonheur,. leur puissance, ne soient soumis à des lois et à des conditions, toutes. providentielles; qu’il n’y ait un ensemble d’idées, de croyances et. de sentimens; d’institutions politiques, de moyens économiques, da dispositions morales, dont l’existence,’la connaissance, l’application. •et le respect, ne déterminassent aussitêt un changement à vue dans nos destinées collectives, n’inaugurassent le règne de l’harmonie universelle à un degré jusqu’alors iaoui? Eh bien! ces lois, ces conditions, ces moyens, la science sociaFe a pour objet de Les découvrir et de [es vulgariser. On peut donc la défhiir: La science qui nous fait connaître progressivement les condItions — LO — )noraleset matérielles, internes et externes, du perfectionnement; de l’ordre et de la puissance; de l’unité et te l’harmonie, et finalement du bonheur du genre humain. Tel est l’unique problème éternellement proposé à la science sociale, dont le sort est d’en donner des solutions toujours incom.. piètes, mais aussi toujours de plus en phis satisfaisantes. Satus poputi, suprême lex. Oui, notre loi suprême à tous, notre devoir, notre mnterêt, est de faire, de garantir le salut de tons. Getc maxime fameuse des Romains est souverainement socialiste: mais comment sauver le peuple, c’est-à-dire, comment le peuple lui-même se sauvera-t-il?—— Par la connaissance, l’amour et la pratique des lois et des conditions nises de Dieu à l’harmonie universelle. Le salut du peuple, que les politiques, les guerriers et les avocat, cherchent dans les hasards de la guerre t les razzia dela vioLences; dans les ignobles et stériles expédiens de la ruse, de la diplomatie ou de la corruption, et danses arcanes de la jurisprudence, le salut du peuple, celui des guerriers, des capitalistes et des avocats eux-mêmes, est dans la science sociale, dans la philosophie-religion, ui ii’est qu’une autre manière de nommer la science sociale, laquelle, d’un certain point de vue, se trouve identique à la science des choses divines et humaines. Nous définissons le Socialisme par la science sociale. Or, la science sociale, nous venons de le dire, a pour but la découverte des lois qui président aux destinées du genre humain. Et le Socialisme est précisément l’ensemble des recherches et des efforts qui tout pour but, non seulement la constitution de .la science sociale, mais aussi la réalisation vivante des voiet moyens, / 1 des conséquences de tout ordre, qui découlent des priifcipes et des / lois de Cettecience. Le Socialisme est alors comme le prologue et la péroraison de la science sociale. C’est l’drt de cette sciencé; la science sociale appliquée. Le Socialisme est un par ses généralités et par son but. Il est divers, multiple, anarchique par ses moyens. JE a pour principes: L’unité du genre humain, sa communauté d’origine, son union tivec Dieu et son identification en Dieu, qui en fait une grande famille dont l’être suprême est le père; la solidarité et l’indivisibilité les destinées; entin, l’unité des voiès de salut. 11 a pour but: Le bonheur éternel, *ésent et futur, par le erfetiohnement cii ,ar la tendance indéfinie vers la perfection; la perfection consistant à aimer Dieu et l’humanité, et à s’en faire aimer de plus en plus; â respecter les lois de l’ordre providentiel, comme condition obligée de.l’harrnonie et du bonheur collectif, et comme expression de la loi du monde moral. li ya enfin les moyens,: 10 Les moyens spirituels; 2’ Les moyens matériels. /1 j’t Les moyens spwstuels sontjla charité, l’abnégation, l dévoite— — 11 — ment, ou l’amour de soi et l’amour des autres indivisiblement rattachés, confondus et identifiés par la volonté de frères. L’s moyens nzal’rels sont: l’organisation de tous les modes d’acq tivité, ou du travail social, par l’association et la solidarité des intérêts, le concours des volontés et des efforts, enfin par l’unité économique, la distribution des tâches, en raion, la plus approxi inative possible, dvsaptitudes et des forces; et celle des produits, en raison des besoins., Le socialisme ne consiste nullement dans tels ou tels moyens deonomiques, comme l’association volontaire, l’abolition de L’usure, le crédit gratuit de producteur â producteur, les banques d’échaage l’établissement de basars, d’entrepôts, de comptoirs, etc. Suivant notre hérésie ou notre clioi, le socialisme, politiquement et économiquement parlant, et si nous considérons notre époque, a ‘peut- but l’égalité des conditions de développement moral et phy. bique, la garantie du droit à une fonction sociaLe et par la fonction l’équitable participation dans les bénéfices collectifs; ou si l’on veut, du droit pour chacun à la délégation d’instrumens de travail, u sûr débouché et à l’equitable échange de ses produits. U apour moyens principaux la solidarité matérielle, la mutualité et l’unité économiques par la socialisation du sol et des autres fonds productifs; par la production en grandes réunions et tons autres modes économiques; par la distinction, mais non la confusion ni l séiaration absolue des interêts et des destinées. Antipathique nu libre travail, à la production arbitraire, l’échange focultatif, en in mot à toutes les licences de l’individna.. lisme, il ne souffre point la concurrence, la compétition déprécia. tive, qui n’est qu’une autre manière de se livrer à l’antagonisme et de faire la guerre, la chasse aux hommes: mais il admet et orgtnise l’émulation sociale, en donnant un essor normal à la sponta neité, à l’initiative individuelle; en consacrant la responsabilité personnelle; en traoslormant chaque citoyen, chaque travailleur eu fonctionnaire de la Société; et par consequent en élevant tout mé‘tier, tonte occupation, toute spécialité, toute industrie, à la dignité de (onction sociale; — fonction dont l’investiture est soumise des conditions égales pour tous les prétendans, à des preuves d’aptitude’ et de compétence. relative, au moyen d’examen, de concours, de vant des jurys spéciaux. Toutefois, aucune définition du socialisme ne peut être adéquate fi sacompréhensi9n, c’est-à-dire ne.saurait le contenir. On ne définit point.ce qui a force d’expansion continue, ce recèle un germe dont le développement est indéfini. On ne cditle point d’avance la vie çollective : jamais elle ne se laisse réglementer, La vie est comme la rairon: elle ne se formule point : elle se développe et se complète sans cesse. U’est pottrqtiOi le socialisme ne peut se définir rigoureusement. dans. ses voies et moyens; attendu qu’ils se meuvent avec les tuurs et les cçmbinaisons nouvelles. Les moyens ne sont pas clii resort’de la’ science, mais de l’art : or, l’art ne comporte aucune formule, et ses voies échappent à nos prévisions et a nos e rconscripti oas dogmatiques. — 12 11 suffit que la science sociale ‘exjlique l’immense majorité des faits humains, en donne la loi générale; que ses principes répondent aux désirs naturels, aux besoins, aux tendances persistantes de l’humanité. Quant aux moyens qui peuvent successivement acheminer les. peuples vers la réalisation parfaite de fidéal; quant aux détails, à la formulation en articles de lois, ou de statuts, nul ne peut les pré. déterminer; car c’est l’oeuvre réservée, la part. des générations. successives; et ce n’est pas trop que l’acte de présence de la vie actuelle statuant sur son sort actuel dans le temps et dans l’espace. Il faut donc soigneusement distinguer entre lascience Sociale spéculant sur ce qui doit être, abstraction faite des époques et des, lieux, et la science. sociale devenant l’art social, c’est-à-dire’ tombant. au sein de la réalité et venant s’emparer des faits; car s’il y n la .cience du parfait, il y a aussi la science du possible, la science de ce qui est en puissance de développement et qui devient., Le mot Socialisme est une expression que le charlatanisme cou.. tèmporain n livrée à la plus scandaleuse promiscuité. Il est devenu tellement élastique dans ces derniers temps, qu’un ennemi acharné du vrai socialisme, qu’un écrivain dont les principes, le but et l’esprit Sont la négation même de ce qu’il y a de plus caraetéristique dans la bonne nouvelle, a pu s’en emparer et l’escamoter au profit de ses docLrines dissolvantes et licencieuses sous le nom de liberté illimitée Après un tel abus, ce mot, d’ailleurs mal fait et mal appliqué, ierd toute valeur : c’est le motif qui nous le fait remplacer ici par l’expression : science sociale. Jusqu’ici la diversité anarchique du socialisme autorise certes le choix, l’hérésie ou l’éclectisme. La science sociale d’ailleurs ne nous paraît identique à aucune des nuances ou écoles (lu socialisme; cependant, nous croyons que toutes ensembte, elles n’ont méconnu aucun des élémens de cette science, et que, des nombreux matériaux qu’elles ont élaborés ou dégrossis, l’avenir composera les bases solides du nouvel édifice social. roiIà pourquoi, au lieu de faire connaître d’abord les écoles et les. doctrines, nous trouvons plus utile d’établir et d’exposer les principes, les corollaires, l’esprit générai de la science sociale, tels que nous les comprenons, indépendamment de tout esprit de secte. - Illais nous avons à défendre l’esprit du socialisme en général, et à redresser les fausses idées qu’on s’en est faites. Le. socialisme est fondé sur cette grande donnée, dérivant de l’essence des choses humaines, que nous sommes tous les membres d’un même corps, tous nécessaires les uns aux autres, tous incomplets,. imparfaits dans notre liberté, dans notre développement, dans notre bonheur, les uns sans les autres; tous les enfans d’un même. père: Dieu. Ainsi, l’idée et le sentiment de la solidarité, de la fanziliarité et de runiié du genre bumuin est si essentiellement le socialisme lui-même, quel’e eu demeure à toujours aveca liberté,l’égalitéet lafraternité —. 13 — (qui i’en sont que l’expression ou le contenn),le point de départ, l but et le moyen. Le mot socialisme a été instinctivement créé pour’ mieux aflirmer l’unité et l’indivisibilité de la République universelle ou de l’Humanité, par opposition àl’individualisme, qui était venu de nos jours nier effrontément tout lien social. Si .les passions, aidées d’une fausse science, i’avaient jamais contesté l’unité du genre humain, la solidarité des destinées, la fraternité et l’égalité des hommes; jamais, ce plonasme, ce synonyme du mot sôciété, n’eût trouvé sa raison d’être. L’individualisme, dont le passé avait trop méconnu l’essor légi.. time, disait depuis quelques siècLes: chacun chez soi, chacun pour soi et s’efforçait ainsi de délier de mauvais liens. Le bon socialisme, qui veut faire contrepoids sur cette pente mortelle, dit: Chacun pour tous et tous pour chacun, et s’efforce ainsi- de reformer les vrais liens, qui doivent unir les membres du corps social et lui garantir le bénheur par la perfectinu. communisme est encore un mot 9u1 fait peur, et même plus peur que le mot socialisme , et pourquoi r mon Dieu! uniquement parce que quelques-uns en ont abusé, ou rom transporté hors de son domaine. - Mais eù soi, c’est-à-dire dans sa signification originelle et traditionnelle, le mot Communauté avait toujours été appliqué parles grands hommes de l’antiquité grecque et romaine comme synonyme de société. iNous demandons d nos lecteurs, et nous avons droit d’exiger de leur bonne foi, qu’ils nous laissent employer ces mots, et qu’ils nous accordent le temps de les leur définir par tout l’ensemble des idées théoriques et pratiques que nous y rattachons. Le Communisme, a-t-on dit, avec une certaine enflure, n’est qu’un sentiment; mais précisément ici le sentiment, l’amour est tout; car il a derrière soi la fraternité, laquelle est l’expression d’une immense, d’une aimable et majestueuse idée, l’idée de l’unitd du genre humain, de la haute parenté des membres de la grande société, de leur union substantielle a4€ Dieu, de leur origine et de /etlleur fin commune, qui fait une seule et unique famille de toutes les “ familles, des frères de tous les hommes, des soeurs de toutes les nations. Et cette vaste et consolante notion est k son tour toute la science sociale en germe très apparent. Veut-on palper pour ainsi dire le Communisme, et en avoir idéfinition par l’exemple? Un acte notarié qui établlt une solidarité générale entre toutes les associations égalitaires et fraternelles de Paris vient d’être signé -aujourd’hui mois de novembre 1849 par les délégués de ces associations. Voilê le Socialisme en action : le Socialisme orthodoxe, celui qui tendant à l’unité comme à l’idéal complet, établit la so[idaritê non seulement entre les individus membres d’une même association; tuais entre toutes Les associations; et Leur donne peur esprit, pour — 14 — principe, la fraternité; pour mesure l’égalité; pour but la liberté véritafle, le bonheur par la perfection. Prenons date de ce grand événement : il inaugure en que1qu sorte l’ère des transformations économiques, l’ère de l’abolition du salariat, de l’alfranchissement des prolétaires, ces,derniers serfs du moyen-ûge. S’il se généralise, et comment en douter,, il sera d’une portée incomparable : il sauvera la société européenne!... Vraie Société, vrai Socialisme, vrai Communisme, trois dénominations identiques, d’un même fonds de principes, d’un même esprit, d’un même but, sinon des mêmes moyens. On s’est beaucoup récrié contre ce dernier mot; il a soulevé les plus vives antipathies : cela e conçoit : on le faisait synonyme d’une immense promiscuité des femmes et des biens: chacun imaginait un vaste caravansérail où tout : intérêts, affections, intimités électives, était confondu; où la responsabilité personnelleétait niée avec le libre arbitre. Heureusement, pour la dignité et le bonheur de notre peuple, L n’en est rien. La peur de l’égoïsme a engendré la calomnie, et la calomnie a triomphé un instant auprès des ignorans. En fait le Communisme est compatible avec la responsabilité personnelle et par conséquent avec la liberté individuelle. S’il ne l’étaLt pas il serait souverainement immoraL et n’aurait d’ailleurs aucun attrait pour personne. Le Communisme, avoué par la science sociale, c’est l’unité et la multiplicité, la liberté et l’autorité, la conservation et le mouvement, ou le progrès dans l’ordre, cest le milieu où les antinomies sociales se trouvent dans leur état normal de conciliation et de simultanéité; sont ramenées à leur mesure, à l’équilibre, au juste balancement, à l’harmonie. Le Communisme, tel que nous le concevons, n’est pas autre chose, au point de vue politique, que la théorie de l’équilibre socia][, du balancement des individualités humaines: science ou théorie à jamais variable et progressive, à mesure que les générations se développeront en intelligeuce et en sagesse; c’est-à-dire à mesure que la Providençe incarnera ses idées ou ses révélations dans l’esprit et le coeur des hommes et des peuples. Sans séparer absolument comme aujourd’hui les intêrêts, et les destinées, il se garde de les confondre jamais; il les diszinjue dars la solidarité; et par là il échappe à l’utopie qu’on lui ête. S’unir les uns aux autres par l’amour, l’idée et l’activité, co n’est point s’identifier, s’absorber comme les fragmens d’un même polvpe; c’est au contraire augmenter sa vie, sa puissance, son bien— être, de toute la vie, la puissance, de tout le bien-être de ses semblables. L’unité absolue et forcée d’un couvent de Béeédictins serait la mort, tout comme la multiplicité absolue d’une horde sauvage; point d unité sans variété, comme point de variété.sans unité. Or, i’idee Communiste, con,trôIee par la sicience sociale, est justement la doctrine c le milu qui doit réaliser l’ensemble d’institutions capables d’effectuer l’harmonie entre les deux termes. La Science sociale, reina’rqttons4e bien, ne demande, du poiit 15 — de vue politique actuel, quelaréalisation du droit strict, ou de la justice distributive. Sur ce terrain, leCommunisme est invincible. S’il exigeait, dès demain, le règne de la charié, de l’idéal absolu; s’il confondait la morale avec le droit, c’est-à-dire s’il demandait, au nom de la loi coercitive, au-delà de ce qui est dci strictement par chacun à tous et par tous à chacun; alors, oui, le Socialisme tomberait en pleine utopie, en pleine chimère. Mais, pour ce qui est du droit, il est toujours opportun, toujours utile, toujours permis d’en revendiquer le respect de la part de tous, à plus forte raison, il est’toujours possible et salutaire de le faire. Les chrétiens ne seraient point autorisés à exiger la réalisation de la morale du Christ; ils le sont à réclamer de chacun la réalisation du droit, c’est-à-dire des conditions et des moyens extérieurs du plus grand développement moral et physique de tous. Ainsi, toute la questiçu est là : Qu’est-ce que le droit? Où est-il pour le coeur, la pensééet les besoins des générations contemporaines? En quoi cobsistent les moyens et les conditions externes du développement et du perfectionnement de la société? L’idée fondamentale quel’humanité est appelée à réaliser, mn philosophe allemand, c’est de fixer tous les rapports de l’homme avec ses semblables, d’après 4es prescriptions de la’ raison, sans nuire à la liberté! ou bien, en termes abrégés : Réaliser sw’ la terre la notion du droit. » Cett parole de Fichte n’est qu’une partie de la vérité. L’humanité est également, est surtout appelée à réaliser la charité, l’idéal de perfection, d’harmonie et de bonheur qu’entrevoit son intelligence, que désire soti coeur, auquel tend irrésistiblement sa volonté. Seulement il reste vrai que cette grande et sublime fin veut être obtenue et recherchée par la persuasion et par la liberté. Le vrai Communisme contient implicitement la communiun. Ce n’est pas seulement une économie, une politique, c’est aussi, c’est d’abord, c’est au-dessus de tout, urij philosophie-religion, la seule I e_vraie et définitive dans sa hase; celle au-delà de laquelle du moins J l’humanité, jusqu’à ce jour, n’a rien conçu. De l’aveu de ses anLgonistes même, le Communisme est l’idéal de perfection: C’est trop beau, disent-ils. Je réponds : Donc c’est la vérité.; donc c’est iotre loi, notre devoir dès à présent, ét maintenant : hine et nune; c’est au moins le phare planté aux, dernières stations du pèlerinage de l’humanité à travers la vie terrestre, la destinée finale à laquelle nous sommes appelés, la destinée dont nous pouvons bâter la réalisation si nous usons bien de notre libre arbitre. Voilà pourquoi le Christianisme a tant de valeur: c’est qu’iL est l’expression avancée, sinon parfaite encore, de cet idéal religieux et social. La science sûciale, identique au Socialisme, identique au Commitnisme conditionnel, comprend nécessairement dans sa sphère la charité comnie la justice; le devbir et le droit sous leur face religieuse, et le devoir et le droit sous leur face purement poli;ique ou socia,Le. Elle oompreud, et ce qui étant du domaine de La conscien — 16 — e, tombe dans le monde de la persuasion et de la liberté, e; échappe à toute coercition; et ce qui étant du ressort de la morale universelle stricte, ou des actes extérieurs nécessaires à la vitalité sociale, tombe dans le monde de la contrainte, qui est celui du droit strict ou de la justice publique, coercitive, répressive et pénale. La science sociale ainsi comprise, est donc tout à la fois philosophie et reliqion, raison et sentiment, certitude et foi, politique et économie; car le Socialisme recherche, au-dessus de tout,-ce que nous sommes,, d’où nons venons, où nous allons. Il dit noti’e origine, notre liii et; nos moyens; H est donc philosophie; etil ne se contente pas di dire. de prôfesser, il pratique, il organise, il est vivant; il est donc aussi religion; et non seulement il contemple et adore l’idéal, le parfait et celui qui le donne ou le révèle, Dieu; mais il se fait, tout à tous, dans le temps et dans l’espace, envisage le possible, subit la néces.. sité sans cependant la légitimer; se transforme donc en législateur,, en juge, en ministre, et par là, il est aussi politique et éco nomie. Le Christianisme primitif est certes la plus haute expression, jus. qu’ici, de la science sociale et du Communisme. Toutefois, le Communisme absolu des premiers Chrétiens, correspond à la réalisation de la morale et de la religion dans toute sa rigueur, c’està-dire, de la perfection; ce qui suppose la libgrté, .cae on ne contraint point au nom de la loi à êtrq parfait. Par consé.. quent, il faut la faculté permanente devant l’Etat ou la Société. d’entrer et de sortir du milieu où se réaliserait cette vie parfaite devant Dieu ou notre conscience. C’est ici une République de Liberté, une cité de Dieu, à laquelle in loi coercitive n’a rien à voir. Le Communisme conditionnel, relatif, limité ou bien entendu, correspond, au contraire, à la réalisation du droit ou de l’égalité il n’exige, il ne comporte même que l’ensemble des moyens et conditions du plus grand déeloppernent moral et physique de tous. Ainsi il faut toujours distinguer entre In Communauté parfaite ou facultative, qui est laRépublique dontJésus-Christa pu dire. qu’elle n’était pas du monde de César, et la Communauté obligatoire, celle dont toutes Les sociétés, jusqu’ici,sont l’image très informe. Dans notre foi et notre amour, le Communisme conditionnel que a science sociale affirme et justifie, nest pas autre chose que l’unité et l’indivisibilité de la République nationale et universelle, C’est la traduction sociale de cette devise immortelle du Christianisme et dela Révolution française: Liberté, Egalité, Fraternité, Unité, Indivisibilit& Il est, dans l’intention (le tous ses adeptes, le seul milieu où la vie puisse recevoir son développement, sa culture, son irradiation mzaxirnum. Tout ce qu’il y n d’amour, d’intelligence, de puissance et de richesses, en un point, est aussitôt communiqué avec équité, mesuré, opportunité, à tous les lieux, n tous les citoyens; de telle sorte que l’essor de toutes les vies s’effectue parallelenient, simultanément, .selon qu’il est dans La nature des choses. Les racines du Communisme plongent en quelque sorte dans In 17 — berceaù de l’Humanité, tant lles sont antiques, et inhérentes à l’ai’bre social. Partout, dès qu’il ya ombre de société, il y u nécessairement fonds commun de sentimens, d’idées ou de croyances, d’activité, d’oeuvres et. de ricbrsses; or, c’est par cette portion commune que la pratique ou communion des hommes entre eux est possible et s’effectue. Chacun eu effet participe plus ou moins également à ce fonds commun. Cette seule observation prouve que la Communauté est l’essence méme de toute société, et que ‘le gene humain est né et mourra Communiste. Il est clair que plus chacun participe avec poids, nombre et mesure, c’est-à.dire, harmoniquement, également à ces sentimens, à cette science, à ces biens communs, plus tous croissent en perfection et en bonheur, puisque, par cette participation, ils réalisent l’état normal des destinées, la loi de développement moral et physique. Or, l’idéal (le Communauté ou d’Association universelle, est précisément le milieu où cette participation, cette harmonie, ce perfectionnement et la félicité de chacun et de tous, recevraient toutes leursconditions et leurs garanties. Chez Les sauvages, Le premier sentier établi entre deux huttes, la réunion fatale de deux hommes ou de deux familles pour la recherche de leur proie, est déjà la proclamation solennelle, toute providentielle, de la Communauté voulue par la nature des choses humaines. Seulement, c’est ici’ la Communauté à l’état embryonnaire: mais aussi, c’est le premier gland, qui déposé sur la terre, va bientôt la couvrir de ses vastes forêts de chênes. Et ce germe de la société nomale va donc grandir, s’élancer avec et par le progrès de la civilisation; car la civilisation c’est la Communauté elle-même se développant et se constituant graduellement. Pourquoi, dès lors, oh! civilisés, vociférer inhumainement contre ‘le Communisme° Est ce que les mots Patrie et Fratrie, désignent autre chose que l’idée d’une grande famille? La patriarclue, qu’est—ce, sinon l’idée d’une libation qui procède de chef de famille à aînés et à puînés? Or, une grande famille, qu’est-ce de plus ou de moins qu’une grande Communauté? C’est pourquoi les mots Société, Communauté, sont indifférem ment 1lris dans le passé grec et romain pour exprimer ce fait fatal, naturel de la réunion des hommes en corps de nation, ou en une seule et unique association du genre humain. On trouve (les preuves nombreuses et frappantes de cette synonymie, dans Socrate, Platon, Aristote, Sénèque, Cicéron, etc Le Socialisme, le Communisme n’est donc pas nouveau: il est aussivieux qu’e le monde; lui seul u force de développement, car lui seul est dans l’histoire. Jamais l’avenir ne sera plus socialiste queue le fut le passé; l’En-’ rope plus que ne le furent l’inde, la Chine, l’Egypte, la Judée, ‘la Grèce et. Rouie. — 18 — L’Humsnité future le sera autrement, elle Le sera mieut; toute 1 différence consistera dans L’intelligence, non, dans l’intention. Certes, Brahma et Manou, Minos, Moïse, Confucius, Lycurgue, Solon Numa, Jésus-Christ, sont de grands, d’incomparables socialistes par leurs principes générateurs. L’unité, la solidarité, la prévoyance, la mutualité, l’ordre, sont au berceau de toutes Les nations. A toutes les époques noemales ou organiques, chaque caste, chaque tribu, a ses droits, son crédit grdtuit ou social, ses matrumens de travail garantis en droit sinon en fait; sa retribution, sa destinée toute tracée; ses conditions d’existence, sinon toujours de’ développement. L’individualisme, l’isolement, l’anarchie des intérêts, !‘insolidarmté des destinées, Le brisement du lien social, la fausse liberté qu’on, appelle laisser-faire, en un mot la négation du Socialisme, de la Communauté, ne vient qu’aux époques maladives on critiques, alors’ que les sociétés se transforment ou se décomposent. Mais le Socialisme ne meurt point, lui, il se dévdoppe, il s’am plifie, &alnéliore et se consôlide é mesure que les voies et moyens de la richesse, dè la solidarité, de L’assurance mutuelle, de la fusion des intérêts, de la liberté de tous, de l’égalité de tous et de la frarernite de tous, sont plus efficaces; et qu’ainsi tous les fils de l’homme par. ticipent plus également et plus abondamment aux bienfaits de la grande et éternelle Coémmunauté. Qu’il le sache ou non, tout socialiste, tout démocrate est Cômmuniste : c’est des deux parts le même esprit, les mêmes principes, le même but; il n’y a de différence que’dans le degré, que dans l’ap. plication. Le fouriérisme’ fait du Communisme, timidement et comme à,Ia sourdine, et réciproquement, tout communiste’est socialiste; démo. craie, par ses formules et ses moyens principaux : ici. encore le. degré fait la diversité. C’est qu’en effet il n’y a pas d’autres voies de salut pour les peu. pies, que celles de l’association et du concours, de l’ordre, de la prévoyançe, de la justic4 distribuiive, de la solidarité et de l’unité,. Hors de là, il n’y a plus que la licence, l’anarchie’sous le nain de laissez-faire et cocurrence; une reste’ plus que la négation (le toute société, c’est-a-dire que ce qui est, l’économisme’ libéral: Maithus et Thiers. On se fait gratuitement dans le monde bourgeois des images repoussantes de 1 idéal socialiste, qu’on ne c’o’nnait que par les on-dut perfides de la calomnie; et puis Qn’ nous répond: je ne veux pris de votre nouveau monde maudit soit-il! .Ce n’est point là ce que me révè!e mon coeur, ce que désire ma nature: elle y serait resserrée, aplatie comme entre deux éimux.. Mais bientôt ils comprendront que le vrai Commuôisme est leur vrai bie,n; et dès lors ils L accepteront: c’est donc pure affaire (l’in» telligence et de temps. Vos habitudes, vos préjugés, vos passions,, votre ignoranced aujourd’hui votis empêchent de voir sous son meiL. leur jour cette bonne nouvel!e que vous apporte le .flot indomptable des siècles et du progrès. L’invisible n’est pas facile à démontrer — 19 — croyez-vous que tant d’hommes honorables qui professent déjà ce nouveau Credo, voudraient plus que vous la perte de cette liberté, et de tontes ces conquêtes de la civilisation pour lesquelles ils ont précisément milité toute leur vie? C’est donc an nom de votre bien à vous et du salut de tous, que nous vous conviotisà l’étude sérieuse et &ncère d,e doctrines qui ne sont que l’accomplissement de l’Evangile de Jésus-Christ. Le Socialisme pur, a un dogme fondamental bleu fait pour rassurer les esprits les plus prévenus, les positions les mieux assises, c’est sa formule sacramentelle : droit autravail, à une fonction; droit égal de tous les cito yens, de toutes les fami1les, de toutes les classes actuelles, aux conditions de leur développement moral et ‘phy sique. Il est évident que n.ul.paysan, possesseur d’un coin de terre, nul petit capitalisie ou rentier, nul p€tit fermier ou boutiquier, fût-il le plus ombrageux de sa tribu,n’a rien à perdre, rien â risquer à la réalisation du Socialisme, surtout du Socialisme le plus avancé; mais au contraire tout à gagner, puisque l’essence du Socialisme consiste dans la garantie du droit au crédit, à l’instrument de travail, au débouché et à l’équitable échange; puisque chacun, dans ce nouveau milieu, a la certitude mathématique d’arriver au bien-être, à l’aisance. à toutes les jouissances de la civilisation, moyennant travail, probité, prévoyance, ordre, économie, et en raison même de son degré d’activité, d’aptitudes et de vertus sociales. Beaucoup de personnes eu province se sont imaginées que lagarantie du droit au travail était promise au peuple sans anéune condition de la part de ceux auxquels la promesse était faite. IL importe de les éclairer à cet égard. Evidemment, qette garantie présuppose l’organiation du crédit social; et l’adhésion des travailleurs qui la désirent an pacte de solidarité et de mutualité entre tous les centres de productions; et aux réglemens, aux statuts qui doivent accompagner la réalisation. Quant aux citoyens que leuraisance, leur superflu, leur position privilégiée, rend craintifs et ombrageux, ils peuvent être en pleine sécurité: le socialisme nè se propose la spoliition de personne: c’est l’ordre qu’il apporte et non le désordre. Si jamais le législateurS souverain vient à demander à chacun des sacrifices, ils ne demeureront point sans une convenable cornpensation.La grande loi de l’indemnité préalable danstous les cas où l’utilité publique réclame l’aliénation ou l’expropriation, sera certainement appliquée avec la plus grande fidélité par le socialisme lorsque ses principes et ses repré sentans seront appelés à sauver la société. ‘l’ont dépendra à cet égard de l’intelligence, du bon sens des classes riches: si elles savent, je ne dis pas faire des sacrifices, ni même des concessions, mais seulement consentir aux voies et moyens, aux mesures et aux instituilons destinées à garantir à tous la possibilité de se donner bien — être et sécurité,elles seront émerveillées d’en être quittes à si bôu xnàrché. La violence, s’il y en a, le désordre et la conflagration univet’selle, tant prédits et redoutés, ne viéndraient que de Irur aveugle et coupable résistance, à toUt progrès efficace. Que la bourgeoisie grande et petite, étudie donc comme nous la — 10 — 5cience sociale, qu’elle s’iiiitie à tout ce qui’a été dit, à tout ce qui se propose chaque jour pour sauver la société, les riches comme les pauvres; ou la société est perdue, et avec elle tous ces biens auxquels iLs accordent, avec raison, tant de prix. QU’EST-CE QUE L’TÂT? Nous n’anns qu’une médiocre confiance dans les moyens transitoires pris en dehors des principes radicaux; cependant, nous ne pouvons nier la nécessité, l’impossible. La sagesse la plus vulgaire dit qu’il faut, Irnn gré, malgré, avoir égard à ce qui est le plus fort. - Avant donc d’exposer, non seulement ce qui devrait être, au point de vue de l’idéal, dans sa portée absolue, mais au point de vue du droit strict ,ou de l’égalité et de la justice si les hommes savaient, voulaient ou pouvaient; nous entendons faire toutes réserves en faveur de ce qui nous semble ossible dès demain, et en particulier, pour la question de liberté. La liberté est un sentiment, un état relatlf. Il peut exister des générations qui appellent liberté ce que d’autres appelleront licence ; il faut bien y avoir égard. Devant ces exigences, nous proposerons des moyens transit’ires, corresponclans; mais auparavant, nous tenons à formuler les principes de droit et (le justice distributive, enfin l’état normal vers lequel tous les efforts du libre arbitre doivent tendre suivant nous. Nous prions donc qu’on ne se presse pas de juger nos idées, en tirant des inductions plus que téméraires, puisqu’on ignore encore la plus grande partie de ce que nous avons à dire. s L’Etat, c’est moi; le souverain, c’est moi car la force et la grandeur de la patrie, c’est moi, dira un jour le Peuple définitivement émancipé. Peut-être le dirat-il dans cinquante ans! Regardez! depuis longtemps en possession de ses titres de noblesse, le oilà sérieusement occupé se donner ses titres à l’affranchissement absolu C’est le dernier TiersEtat, c’est le Peuple s qui se constitue en prenant conscience de lui-même, de ses droits, (le ses devoirs! » Ces paroles datent de 18l ;- et voilà deux ans déjà que le Peuple dit : L’État, c’est moi, car le souverain c’est moi. Notre espérance a êté dépassée; que Dieu en soit béni, et le Peuple de France glorifié! Cependant, le souverain tout entier ne sait point encore I’éten4ue, la grandeur de son autorité et de ses obligations; rien de plus pressant donc que de continuer les débats sur ce grave sujet. Qu’est-ce que I’Etat, de plus en ptus dans le passé, de moins en moIns dans l’avenir?— C’est le souverain représenté,c’est la déiégation même de ses pou. voirs, en action. Que doit-il être en principe, et de plus en plus en appifration? — Identique, hhérent au Péuple, au Souverain, par la nature des choses; il doit être le Peuple en personne indivisible, le Peuple agissant et faisant acte d’autorité ou de puissance collective, c’est-à-dire le Peuple se gouvernant lui.mêie, par lui- même, et faisant ses propres affaires. il n’y n pas d’honinie sans tête; il n’y n pas de société sans Etat. La tête c’est l’homme; l’Etat c’est le Peuple. La vie sociale, pas plus que la vie individuelle, n’admet de solution de continuité. Quand le coeur s’arrête, le corps se fait cadavre : la vie a disparu. Or, point de vie sans unité: que le Peuple soit un, et tout est eosommé. — — 21 — Dès qu’une Société n’est plus composée que d’hommes libres, égaux et frères, cette société est nécessairement une République démocratique, c’est-à- dire une association civile, économique et politique, où le peuple dans son Indivisibiité est runiqne souverain; et par con’équent oit l’Etat c’est lui-même se gouvernant lui même, et statuant à chaque instant sur toutes choses selon qu’il le juge convenabie. Toute autre forme de gouvernement, tout autre soiverain, tout autre Etat, implique nécessairement que la société qu’.l r€gat est composée ou d’hommes Inégaux, ou d’hommes esclaves; dans ces sociétés, on parle de supérieurs et dinférieurs, de maltres et de serviteurs; on y connait des priviléges sans fin; et des races qui sont divisées en castes, en tribus, en classes, que saisie, des parias, des noirs!... Sommes-nous, oui ou non, des hommes libres et égaux? avons-nous une même origine, sommes-nous des êtres de la même race, tous les individus composant le genre humain? si l’on dit: oui, dès lors le peuple cesse d’avoir des p4tres monarques ou autocrates, des malires, des tuteurs. C’est ici une société de travailleurs égaux, se donnant, comme on le disait très bien dans la révolution, des commis, des mandataires ou délégués mecsssmment révocables. Le pouvoir devient gérance pure, administration; et les sujets se transfornient en actionnaires, en souverains collectivement. L’autorité réside dans tous et dans chacun. Les kgislateurs sont les membres du grand conseil d’administration de la République, lequel est toujours lui-même sous le coup de la volonté 1u souverain. Si donc par Etat on entend le pouvoir, les gouvernemens du passé, il n’y a plus d’Etat (laDs la (léinocratie sociale. Rien de plus antipaibique à la souverainelé réelle de tous que les prétentions et les prérogatives des députés, des législateurs et des rois du giuvernement constitutionnel; à plus forte raison que la superbe et l’impiété des gouvernemeus autocratiques ou des. potiques. Les envoyés, les commis du peuple ne comprendront leurs attributions et ne respecteront le souverain qu’alQrs qu’ils se feront sin èrement les échos, les représentans, les serviteurs de tous sons exception, et s’incarneront pour ainsi dire, les besoins, les griefs, les souffrances et les voeux du moindre comme du premier. Il ne s’agit plus ici de majorité: contenter le grand nombre n’est rien, mais respecter les droits de tous, s’efforcer de satisfaire la minorité et y réussir, voilà pour les représenLns, le critdriuin du devoir accompli. Que font les consetis d’adminisiiatioa (les gi’andes sociétés.par actions, lorsqu’un cas imprévu ou important se présente? ils font appel aux actionnaires ; ils les réunissent en assemblée, ils soumettent leurs délibérations à sa ratification, à son vélo. Ils reçoivent leurs pouvoirs de cette assemblée, et ils ne les dépassent jamais impunément. Or, il en doit être ainsi des hommes d’Etat, qui sont les hommes du Peuple. Il y a plus, et depuis longtemps nous professons ces idées: Les hommes d’État ce doit être le Peuple en personne. Nous disons qu’en principe le Peuple doit être la loi vivante, que le Peuple ne doit contracter aucun bail, pas même le bail o’un jour, avec ses serviteurs, c’est-àdire avec aucun de es membres. Plus de lois écrites, de constitutions quelconques; plus de pouvoirs à vie ou à temps; — chaque individu, à chaque instant de sa vie, doit participer à la loi du moment, contribuer positivement en peronue au gouvernement de la République, être l’une des forces réelles’dont se compose le mouvement social. Nous voulonsune perpétuelle convention de tous les citoyens, qui jamais ne statue sur l’avenir en préjugeant les cas futurs; mais qui lie et délie à mesure que s’opère le mouvement social. Si le Peuple est le souverain, il est le juge; s’il est le juge, il est le pouvoir; et s’il est le pouvoir, il doit exercer sa puissance dès qu’il en saura orgatiser on régulariser l’expression. * 22 — Or, nons croyons fermement que l’heure approthe où tout sera ordonné dans le mécanisme de la souveraineté populaire, pour quechaque citoyen puisse à chaque instant manifester d’unemanière régulière et authentique ses désirs, ses griefs, ses besoins, sa vie enfin, fi tous les autres membres de la souveraineté: c’est ici une affaire de publicité, une question de voies et moyens, qui peut être résolue aujourd’hui ou demain. Chaque jour, les moyens de formuler, de%prinwr sa volonté, les variations de ses ides.et de ses désirs, deviefinent plus faciles, plus prompts. Il va donc, par le progrès lu mécanisme social, faire de plus en pius acte de présence politique; et un jour viendra sans aucun doute oti un peuple enlierde cent millions d’hommes sera o»suIté à chaque instant sur ses propres aflaires, et pourra par conséquent les gdrsr lui-méme. Mais si nous rentrons forcément dans la réalité actuelle, force est bien. d’accepter encore l’État-représentant. Dans la démocratie, telle qu’elle se prépare pour un prochain avenir, l’État se meut’ avec le Peuple, avec la généralité des citoyens. La rééeclion à bref délai assure le renouvellement opportun de la direçtion poitique. Les idées arrivent au pouvoir à mesure qu’elles conquièrent l’opinion. Ici donc la tête et le corps marchent à l’unisson; ce n’est plus, comme dans le passé, le pouvoir qui fait ou semble faire changer, faire avancer ou faire reculer le Peuple; c’est le Peuple indivisib1çent qui, effectivement, fait changer, avancer ou reculer l’État. Comment craindre alors l’intervention de ilÉtat dans la direction de l’économui pationale, avec nne forme de gouvernement qui fait du pouvoir l’expression vraie de la société.? Habituons-nous donc à l’idée qu’une socjété démocratiquement constituée, avec son Etat, c’est-t.dire avec ses représentans, n’est pas aigre chose qu’unç association avec son gérant et son conseil d’administration. Sans doutn, le passage d’un vieux système, d’un vieux préjugé ‘s un nouvçatt, peut être lent et pénible, mais pourquoi?. Prce que la généralité des citoyens ne reconnait pas plutôt la supriorilé et les droits du nouveau, Or, c’etIà une condition qu’il faut subir dans toutes les hypothèses; mais l’hypothèse de l’Etat intervenant, et de l’unité économique, à cet avantagé sur celle dit laissez-faire, que les actes de l’État sont au moins acclamés par l’opinion générale. Jès4ors, tr,utconsiste à persuader la généralité, des citoyens, à faire devenir majorité de demain, la minorité d’aujourd’hui. l)ésormais, nous habitons la monde de la di%cussiop, de la publicité, de la propagande et de la persuasion; et il ne reste phts qu’à imprimer la bonne tendance des coeurs et des esprits par l’éducation populaire, par la science et par a philosophie-religion; et finalement i promulguer, en les confiant à la garde du Peuple tout entier, les devofrs et les droits antérieurs et aupérieurs à tcute epustittation et à toute .qouverainLé de majorité. Avec i’Etat-Peuple, tout marche et s’acbepdne régulièrement à mesure que lcprogrèss’accoinplitdans l’opinion générale, dans l’intelligence et le sentinent collectif, par le traviil secreg de la Providence dans tous, par l’action libre des penseurs, par l’adhésion des masses. Alors, les ;ransitions, les améliorations, de brusques et douloureuses qu’eUes étaient jusqu’ici, se tranforment ei un lmpercep;ib.le 4éveloppeiuent. Au Sou’veran, au Peupleseul,ppartient de statuer sur tous les actes extérieurs de la vie collective, sur les devoirs et les droits des citoyens, sur let.rs relations économiques et politiques, civiles et religi.uses; tuais évidemment le Souverain est tenu d’avoir raison, c’est à-dire, de se conformer à la Loi des destinées, et de rechercher les voies et moyens progressifs de son application; et qui mieux que lui, autre que lui, peut remplir çette,inission. La’loi générale des destinées est coflajie; .et nous savons aussi, quels sont les moyens généraux, spiriuela et matériels, de l’acconiplisseùient de notre __ 23 — n; mais, en particulier, que doit statuer le Peuple, touchant I’conomie, touchant la disposition du sol etdes autres instrumens de travail, ou l’organisation de la production, de la répartition et de la coaomnation des richesses? La science sociale dit qu’il doit décréter la substitution de la propritté collective à la propriété individuelle; de l’assQciation universelle, nationale, unitaire, à l’isolement universel; de la solidatité à l’insolidarité; de l’unité de direction à la multiplicité et à l’anarchie. Toujours est-ii que le Souverain doit Statuer sur tout cela, décréter es m,oyens ou d’autres, s’occuper à chaque instant de la constitution économique comme il s’occupe de la constitution pblitique; c’est ce qu’il n’est plus possible de contester aujourd’hui où tout le monde convient que la constitution atu elle de la propriété, est un établissement de la loi que la loi peut modifier, trans— former, dès que l’exige le salut commun. En fait universel, il en a toujours été ainsi, et si’ le Souverain, dans Je passé, n décrêté la forme de propriété et le mécanisme Øconom3que que nous connaissons, c’est qu’il a cru, avec son degré de science et de puissance, quo c’était, les moeurs, les temps et les lieux étant donnés, ou le meilleur ou le seul possible des moyens propres à favoriser l’accomplissement des destinées. Pourquoi le souverain n’aurait-il pas le devoir et le droit de garantir à chacun le pain du corps, comme on lui reconnak depuis longtemps l’obllgtion de lui garantir le pain de l’âme? Qui donc peut s’en charger si ce n’est lui? Y a-t-il rien de plus pressant pour la multitude que de s’assurer la fonction ou le travail, le déboucbé et la bonne vente, le loyal échanve de ses produits? Qu’ina. porte aux populations tous les droits politiques, le suffrage universel, s’ils n’ont pour but, pourobjet, ies garanties de cet ordre? Est.il plus nécessaire d’avoir de l’instruction que du travail? Si vous é;ernisez le désordre à la base, comment obtiendrez vous l’ordre au somn’eL? S’il est vrai que nous sommes solidai.’es comme les meiébre& d’une même fa. mille, l’association économique unitaire, la mutualité, la Communauté des intérêts et des travaux, l’assurance e le concours réciproques, sont un devoir de preiniér ordre, puisqu’en tout cela consiste la seule forme normale de la société du genre humain. Dire société, c’est dire solidarité: organiser l’une, c’est organiser l’autre. Ot’, nons le demandons: faut-il oui ou non organ!ser la société; oui ou non organiser la solidarité? La réponse dans les deux cas est la même. Mais qui serait assez superficiel ou anarchique pnur dire non? S’il faut organiser la solidarité; nécessairement il faut organiser l’unité; car, ici encore, qui dit Solidarité dit unité. Donc le peuple, le souverain, l’État doit décréter l’unité, la gouverner, la diriger; et l’organisation du travail trouve là sa clef de voéte. Toutes les insuffisances, toutes les perturbations de la société, viennent de l’anarchie industrielle, du défaut d’ordre, de prévoyance, de l’absence rIe l’unité étonomique. Tant que les hommes’ produiront aveuglement, échangeront arbitrairement, vendront et achèteront sous la seule règle de l’offre et de la demande, useront et abuseront du sol et des autres Instrumens de travail, l’Humanité se dévorera elle-même. - L’unité économique, le raccordement, le concours de tous lés producteurs, rintervention. d’une loi commune, uniforme, dans la création et la répartitioa des richt€ses ; enfin, l’institution d’udéjustice sociale dans le monde du travail; l’assoeii(ion de tous sous la haute dii’ection d’une institution centrale; voilà les principes de l’économie future; et-dès l’instant, voilà les seules voies de salut. Adoptez ces principes, et dèslors, tout ce que demande Je Peuple se réalise de soi-même; tout devient possible: l’organisation du droit au travail, le droit à l’éducation, à la retraite, une participation équitable detous aux charges et aux bénéfices de la société; enfla, la teadanca constante de l’opinion à exiger — 24 — de chacun en raison de ses forces et de ses aptitudes, â garantir à chacun eu raison de ses besoins, etc Toute cenception économique est radiea!ement inféconde, par cela seul q’u’on prétend s’affi’anchir des conditions de l’unité; ct.r alors les volontés, les intérêts, les passions , se retrouvent comme toujours sans frein, sans règle commune, sans limites dans leurs oppositions ou leurs prétenhion. On compte sur la sagesse, sur le concours spontané, miraculeux des individus, oubliant que tes lois et l’Etat sont là précisément pour suppléer la sagesse. dans l’hypothèse presque certaine qu’une sagesse de cette nature, qu’une sagesse collective, spontanée, opportune, ne viendrait pas s’il lui était loisible de faire défaut. C’esl pourquoi nous déclarons inefficaces et illusoires, comme état normal, à des degrs f tris divers sans doute, — l’association volontaire des économistes libéraux les plus avancés, — le capital inaliénable de M. Buchez, adopté par le journal l’Atelier, — les communes sociétaires, volontaires du Fouriérisme, — les banques de circulation de Proudhon, et toute banque nationale qui commanditerait des travailleurs insoliéaires, isolés et libres. Nul doute, mieux vaudrait l’adoption de ces diverses conceptions, que le laissez-faire ou l’isolement immémorial; nous verrions dans ce début la voie qui mène à la combliisison normale; et déjà, par ces esaais, une grande amélioration s’opérerait dans le sort du Peuple; mais enfin, là n’est ni le droit, ni le certain, w la suffisance. La prétention de se passer de l’intervention de l’État dans l’organisation économique n’est rien moins que la itégation de cet éternel écho de la cOiscience universelle : Il est légitime de cotvtraindre â ce qui est juste (sur tou quand ce qui est juste conciriie la vie du grand nombre et la doit nauve garder) Le droit crnporte obligation et coercition. La farce est ace service de la justice. / I— Tt4 est rapport, entente, subordination des parties à l’ensemble dans une société: la présence d’un organisme ayant sou centre d’action et de réaction, sera donc toujours nécessaire pour rendre réelle cette subordination et par elle l’harmonie. Il et d’ailleurs absolument impossible que tant de passions et de volontés, converg.nt d’elles-mêmes, par leurs déterminations et aspirations isolées, anarchiques, vers les fins utuluiples que doit se propose; l’activité collective, et que prescrit le droit, le développement moral et physique, le bonheur et la liberté de tous. C’est une chimère de croire que toutes les sphères d’activité, libres et concurrentes aujourd’hui; que tous ls intérêts opposés, vont se concerter, se fondre et s’harmoniser d’eux-mêmes, en, une association intégrale par communes ou par corporations; se cor.former de leur propre mouvement et toujours à toutes les conditions d’unité, de solidarité et d’équilibre! Lors même qu’il en serait ainsi, le fait devi it encore être sanctionné comme droit; et de facultatf devenir obligatoire: d’où la nécessité de l’intervention directe t active de l’EIat; à lui seul le droit et la puissance de ramener à l’unité tant d’élémens épars. Vous avez droit au crédit, ,doit dire le souverain à chacun de ses membres, mais en même temps, votre devoir est de consentir aux conditions que le bien général et la nature (les choses écoionuiques m’obligent de mettre à l’octroi de ce crédit. Tout droit suppose un devoir corrispondant: il serait commode d’obtenir le bénéfice sans la charge. Vous appelez cette exigence Une atteinte à la liberté; je l’appelle moi une digue à la licence. Est-ce que, de ce point d vue, tout devoir n’entame point la liberté P Nul hemme ne doit avoir le privilége d’octrqyer ou de refuser le travail à son semblable. Il en est de même absolument des corporations oit des colleclions d’individus entre elles, — C’est cependant ce qui arrive lorsque le crédit I —25— reste privé, facultatif, au lieu d’être public, social, obligatoire, dans les limites de la justice. La société doit à tout citoyen, à toute sphère d’activité sociale, des iostrumens de travail à des conditions égaies pour tous. Afin de garantir à tous le droit au travail ou le crédit, c’est-à-dire afin d’organiser le travail, il faut donc commencer par Oter aux corporations comie aux individus, la faculté de produire à fantaisie, et sans égard aux ressources déjà accumulées; de vendre et d’acheter â leur corps défenda,t, de fixer le prix du salaire, le tout sous l’action aveugle, inique, de la loi de l’olfre et de la demande, et par conséquent d’user- et d’abuser des instruniens et des produits du travail national, dans tous les ordres de richesses. Les intérêts et les passions ,goTstes ne sont que trop souventopposés en fait dans leurs prétentions. S’ils ne l’étaient pas, pourquoi donc des devoirs, des lois, une justice et un État? Laissez faire absolument en tout et pour tout, ou convenez que l’expansion et la jouissance des uns doit être limitée par l’expan sio et la jouissance proportionnelle et parallèle de tous les autres. De toute manière, il n’est donc,pas possible d’éviter l’intervention directe et permanente de la société ou du £ euple souverain par l’État. Il importe peu que l’on distingue Sa délégation économique de la délégatiota politIque. Nous n’examinons pas ce point en ce moment; nous disons que l’unité est de rigueur dès qu’on peut l’imposer. L’unité économique, l’ordre, la prévoyance, ne sont point incompatibles avec le changement, avec la spontanéité et l’initiative populaires; s’il n’y a plus licence, arbitraire, il y a toujours, et plus que jamais, l(bertd dans les limites du bien général. L’obstacle au changement ne peut pas, venir de l’Etat, du pouvoir, c’est-à-dire de la gérance et de l’administration, mais de la majo rit duPeuple. Or, la minorité dispose d’un expédient tout légal: qu’elle modifie l’opinion de la majorité dans son sens, la majorité alors, par son vote régulier, opèrera les améliorations désirées. Admettons cependaut que la majorité s’obstine dans un statu quo on une rétrogradation que condamne l’irrésistible élan des sympathies, des besoins, de la science nouvelle; suppo Son qu’elle s’oppose systématiquement à toute modillcatioo,qa’elle viole même ces grands principes, ces lois éternelles qui protègent la vie et les biens, et qui constituent ce qu’il y a d’invariable dans la morale universelle; ators toute issue régulière, légale, étant fermée à ce qui a vertu et force d’avenir, il se fera ce qui se voit toujours eu pareille occurrence; il y aura crise ou révolu tion explosion des volontés, brisement ‘de la vieille unité; un nouveau système, produit de la spontanéité des révoltés, amènera une nouvelle unité, un nouvel Etat, un nouvel ordre. - Telle est la loi du mouvement social. L’Etat est éternel dans son fond j iØpérissable dans sa forme. On le brise quand il est obstacle, mais c’est pour liii en substituer un meilleur (et le meilleur, est l’Etat direct, l’Etat-Peuple, celui oti tous sont assez sages pour se mouvoir comme une seule personne) on le brise, dis-je, mais on ne le change pas. Et le moment court et doulou— reux qui s’écoule entre l’ancien et le nouvel Etat-, on l’appelle révolution, anarchie, désordre, licence. A cet égard, voici le mouvement providentiel qui semble se trahir dans rhistoire jo Au début de la carrière de l’Humanité ou d’une Nation, un système de •relations s’établit par l’effet-de-la spontanéité de àhacun et de tous; c’est ici le produit du mouvement intestin de tout un peuple. La fatalité y concourt au moins autant que le libre arbitre du genre humain; la fatalité, c’est-à-dire ce qu’il y n d’irrésistible dans sa nature, les circonstances générales étant données; 2. Puis, l’intervalle d’anarchie nécessaire à la fusion des élémens en pré sence étant écoulé, vient I’Etat qui, au nom du droit, consacre et protège ce — 26 — système jusqu’à ce qu’il soit dépassé, réprouvé par les sympathies et le exigen. ces nouvelles. 3° Les désirs, les besoins nouveaux se faisant jour, donnent lien à un nouveau système d’idées, de sentimens, de préjugés, de droit, et de rapports moraux et matériels ou économiques. Si l’État en consacre à propos les résultats; il y a progrès, transformation pacifique par en haut, par saite des mouvemens opérés par en bas. IL y a transition et transition douce. Si l’lttat est immobile ou rétrograde, s’il y a des oppositions trop longues on aveugles, l’État abdiquant, le mouvemçnt se fait saqs lui, à côté de lui, malgré lui; il y a décomposition, révolution pins ou moins profonde, selon le radicalisme des principes nouveaux, révolution au bout de laquelle un nouvern système de relations s’est introduit dans les faits sociaux; et l’Etat s’est ‘vu régénéré et comme ressuscité, avec la mission de légitimer les résultats acquis; et ainsi de suite à l’indéfini jusqu’à ce que, par l’effet de la sagesse collective et de la perfection du mécanisme-social, l’Etat-reprdsentant se transforme en Et av-Peuple ; et I’Etat-Peuple se consomme dans l’aniui. Tels sont les éternels momens du progrès social, détruire après avoir édifié; édifier après avoir détruit et toujours pour le mieux: ou plutôt mener de front les deux actes d’où découle l’amélioration des choses humaines. Nier en même temps qu’on affirme; affirmer én même temps qu’on nie; n’organiser qu’en désorganisant; ne désorganiser que pour organiser. Vous voulez tout lier et délier successivement par le mouvement intestin, mais confus, incohérent, chaotique, des volontés et des intérêts isolés, in- solidaires, en dehors de toute unité ciale. Nous voulons, nous, tout lier et délier, dans l’ordre des relations économiiiques, par l’action régulière, normale de la souveraineté populaire. C’ést au peuple mieux informé qu’on en appelle quotidiennement, à chaque heure, à chaque instant, de tous les abus, de tous les préjugés, de toutes les imperfections; c’est au peuple que l’on proposa toutes les innovations, inventions, améliorations; tous les moyens nouveaux de perfectionnement et de bonheur; — et le peuple lie ou délie progressivement, par l’organe de ses mandataires, de ses agens, de ses administrateurs, de ses commis. Tout ce débat sur les attributions économiques de l’Etat se réduit à tien termes saisissables iour toutes les intelligences. Une association quelconque peut-elle se passer d’une gérance,’d’une administration, de commis ou représentans-mandataires? Des travailleurs groupés ensemble pour une oeuvre collective de production, peuvent-ils se passer de règlement, d’une loi de leurs rapports? Ce qui se dira à cet égard, d’une association quelconque, d iravailleurs I’un même groupe ne doit-il pas se dire absolument aussi de plusieurs associations, de plusieurs corporations, sous peine de perpétuer le monopole, la concurrence, la coalition, la licence, l’exploitation sur in grande échelle de. l’association; et de pr.étendre qu’au-delà d’un certain nombre d’associés, l n’y a plus que des ennemis qu’il faut combattre? Or, nous maintenons que l’État n’est pas autre çhose que la gérance ou l’administration nationale, puisque l’État c’est le Peuple. On ne peut se faire une idée saine de cette théorie de l’État-représentant, si l’on oublie un seul instant que l’État, le pouvoir, le. gouvernement, matorilé, e’estle Peuple en personne, etindivisibtement, par procuration toujours (le plus eu plus facilement révocable; — si l’on perd de vue que, comme condition préalable de l’action d’une institution éconowique centrale, il edste au•dessus (le cette institution, par conséquent au-dessus du caprice ou de l’iniquité de qui que ce soit, une constitution fondamentale qui consacre les Irolis uniurels et iinprseriptib1es de L’igdividu; que gcâce â cette cons tiution — 27 — immuable, les citoyens sont â l’abri des abus en tout ce qui tient à leurs pre mier et plus chers intérêts. La fonction et ses fruits, le droit au travail et toutes les franchises qui constituent l’indépendance civile, économique et politique sont donc tout aussi abritées dans ce nouveau monde par l’esprit public, les croyances et les moeurs, par les institutions et la justice, que le sont aujourd’hui tous les genres de propriétés, les fonctions dans la magistrature, dans les facultés, dans l’Université, dans l’armée, dns l’administration publique; et en réalité chacun ne dépend plus que de la souveraineté du P uple dans les limites tracées par l’inamuable constitution. Que peut-ou craindre? Est-ce que le personnel, les gérans, le conseil de l’institution centrale économique, étant élus par les travailleurs, étant leurs représentans, ayant leurs règlemens, étant soumis comme tout le monde à la loi commune d’égalité, ne pouvant rien en dehors des limites tracées à leur action, étant toujours sous le coup de la Volonté collective, etc., n’offriront pas toutes les garanties à la liberté individuelle la plus jalouse P Loin de conduire le peuple, ils seront conduits par lui, car enfin il faut bien supposer que les moeurs peuvent venir mettre içi leur puissant contrepoids. Personne parmi les Socialistes ne pense à enregimenter les citoyens et à leur procurer le doux régime des casernes. Il ne s’agit des réminiscences ni de Crête, ni de Sparte, ni du Caire. Loin que l’État fasse tout (le lui-même, on lui fait faire tout : le peuple souverain trace le cercle légitime de la liberté individuelle, puis l’État exécute, administre, — et rien de plus. L’indicible avantage de. l’administration économique dont se trouverait investie l’Assemblée nationale, et par elle une institution spéciale organique; c’est qu’alors l’utilité générale peut toujours être constatée, consultée ou satisfaite par des mesures que la raison et l’équité avouent, que le peuple est toujours â même de connaître, d’apprécier, de combattre ou d’appuyer. Dans ce milieu, tout déni dejustlce, tout abus qui, aujourd’hui, se borne àla sphère privée,’où il reste souvent impuni, revêt aussitôt un caractère public qui en assure la prompte et efficace répression. Quelle garantie, quand, sur toutes choses, on pourra en appeler comme d’abus à l’opinion universelle des associés, quand le tribunal ce sera la nation elle-même dans la personne de représentans toujours enchaînés au suffrage et â la ratification du souverain I. Quoi qu’on fasse, on n’éludera pas la nécessité de l’ssnitd économique, parce qu’elle est condition de liberté et de justice sérieuse pour tous. Si une Banque è l’instar de celle de la Banque du Peuple réussit, elle sera ou deviendra un Etat dans l’Etat; elle sera l’unité que nons- voulons; elle sera le nouvel Etat qui doit venir supplanter l’ancien, s’il refuse de se faire lui-même le banquier du Peuple. Mais évidemment, elle ne se consolidera qu’autant qu’elle garantisse à tous le travail et les fruits légitimes du travail, et par conséquent, le crédit, le débouché et l’équitable échange. Quoi qu’il en soit, l’Etat, expression de la force des choses, refusera toujours à la multitude la portion de liberté dont elle ne saurait pas user convenablement, c’est-à-dire dans le sens de sa destination il sera au ‘contraire, fatalement amené à lui garantir les conquêtes de ce genre, qclle se’sera préparées par sa sagesse. L’histoire universepe en dépose solennellement. Il est bien vraj qu’elle nous montre l’avènement progressif et continu de la liberté, mais aussi et préalablement celui du droit et de l’égalité, ou de la justice et de la charité. Que si les tassions, restant déchaînées par notre abdication morale, se manifestent dans le désordre et avec la violence que l’histoire raconte, certes le pôuvoir violent re5tera la première des néçessités, parce qu’il sera la première des conditions de la séiurité individuelle, do la conservation des -t-- 28 — richesses et d l’ordre matériel des sociétés. Faut-il prédire ici la dictature? Non I qu’elle soit maudite 1.... à moins cependant qu’elle ne s’exerce pour le bien, au sein d’un déluge social. Si, au contraire, les passions s’apprivoisent généralement au joug de la raison et du droit, I’Etat ,toujours nécessaire alors comme moyen ou condition d’unité, d’économie, de justice distributive, se fera peuple, par conséquent, sera sans danger, et laissera à l’individualisme son indépendance légitime. D’où cette conclusion: Le pouvoir en soi, c’est -à-dire l’Etat-Reprlseiztant ou l’Etat-Peuple, demeure un élément constitutif essentiel de toutes les sociétés; et toute la question est entre ces terme: un bon ou un mauvais pouvoir; mais, dire plus de pouvoir, ce serait dire plus de société. Il ne reste ensuite qu’à se donner soit un bon pouvoir indirect ou représentant, soit un on pouvoir direct ou peuple, et la question aboutit finalement à ceci: un bon ou un mauvais Peuple. PREIRE LETTRE AU CITOYEN PROUDRON. Citoyen, Vous avez cherché là célébrité; soyez satisfait, vous l’avez à souhait; mais avez-vous également la vérité, êtes-vous dans le bien? Votre conscience a déJh répondu: non, citoyen. Et ce que je déylore, ce qui doit vous atUiger, pour’ obtenir les faveurs de la fausse renommée qui a apporté jusqu’à nous les noms les plus excentriques, il a fallu pactiser avec l’erreur, se vouer au paradoxe, faire profession de sophiste et de boxeur intellectuel. Une célébrité acquise à ce prix, c’est bien cher, citoyen. Considérez plutôt le chemin que vous avez fait depuis que vous vous êtes mis à compoer avec les principes, leur préférant les joûtes de la dialectique hégelienne et les succès des Protagoras et des Gorgias. — Vous verrez que vou vous êtes engagé dans les voies de l’orgueil, de la bizarrerie et des passions froidement furibondes, au bout desquelles il y a un abime même pour les plus forts et les plus heureux. Ce qui frappe d’abord dans vos écrits, c’est la glorification anticipée, bouffonne, pafenne et folle de vous-même, et la détraction méchante d’autrui,. particulièrement de. ceux qui vous portent ombrage ou qui vous sont obstacle. Devant une personnalité aussi anormale et tracassière, on croit facilement à la présence secrète de quelque mauvais génie; et en effet, on aperçoit bientôt 4es cornes du Malin, qui, blotti derrière le rideau, tient en ricanant les ficelles de la grande fantasmagorie Proudhonienne. - Mais ce qui perce au premier plan, c’est le bouffon glorieux Et vous, lecteur..., voyez-vous ce tourbillon qui passe et qu’on appelle la s sôciété, duquel jaillissent, avec un éclat si terrible, les éclairs, les tonnerres s et les voix? Je veux vous faire toucher du doigt les ressorts cachés qui le meuvert; mais il faut pour cela que vous vous réduisiez, sous mon com» mandement, à l’état de pure intelligence Souffrez donc qu’avant -de » dérouler à vos yeux les feuillets du livre de vfe, je prépare votrà âme par » çette purification scepliqne! Que de lumières; je me trompe : que de fusées vont jaillir! — Et si ce livre de vie était un livre de mort lb... a On a dit de Newton, pour ezpriaier l’immensité de ses découvertes, qu’il » avait révélé l’ablmc de l’ignorance humaine. Il n’y a point ici de Newton, et s nul ne peut revendiquer, dans la science économique, une part égale i s celle que la postérité assigne à ce grand homme dans la sçeucu de 29 » l’univers. Mais j’ose dire qu’il y a ici plus que ce qu’a jamais deviné Newton. » • En effet, citoyen, jamais Newton n’eût deviné, avant de vous avoir entendu, jusqu’où peut aller l’orgueil de Satan !... Voilà bien les trompettes qui litent tomber les murs de Jéricho! Cieux et terre, et mers, faites silence; écoutez la voix du grand Dieu Pierre-Joseph Proudhonl... Je m’étais dit, avant de connaltre l’ordre d’ange ou d’archange auqne[ vous appartenez : ce n’est point là le langage d’un mortel; cedoit être au moins celui des petits Dieux. Maintenant je m’explique, tout surnaturellement ce que j’attribuais à un accès de superbe. Les charlatans, dans toutes nos foires, étalent à grands fracas leurs babioles: Ne vous amusez donc point à la bagatelle de la porte! Entrez vite, entrer dans le sanctuaire des merveilles! Vous y verrez ce qui ne s’est jamais vu ; vous en sortirez convaincu de cé qui est incroyable! — Vous pénétrez, et que voyez-vous, qu’avez-vous appris? Rien, si ce n’est votre crédulité, ai ce n’est que ‘ous êtes dupes et que le charlatan est bien nommé. Il y a, dans vos livres, des affirmations graves, des prétentions inouïes. IL n’y est question de rien de moins que de la négation de Dieu, de la Fraternité de la Communauté et même de l’Egalité. Tout ce qui relève et réjouit l’Humanité, la providence de Dieu, sa toute-puissance et sa bonté, la vie de famille se. ciale et la sainte solidarité des destinées, sont brutalement stygmatisées par vous du nom de préjugés, de bêtises, de niaiseries. Or, je vous fais un crime, non seulement d’étaler une glorification extravagante de vous-même, mais un souverain mépris pour les autres, et de vous complaire dans cette double outrecuidance avec une persistance toute systématique, et d’oser, au même instant, vous donner au monde comme venant servir la cause du bien et de la vérité, la cause du Peuple. Nous le savons. citoyen, vous avez pris le parti de n’être janiais de l’avis de tout le monde Le paradoxe, le sophisme conviennent a l’orgueil. « Ce métier i’accus atour que je fais, est te dernier qui convenait à mon tempérament. Il s’agit bien de tempérament, il s’agît de moralité: « Mon action ni mes paroles ne seront irritantes. » Le pauvre homme f.. vous êtes si doux, si poli, si accommodant t Je lis, en effet, dans votre Philosopltie de la misère, qui est bien plutôt la misère de la philosophie, ois mieux encore du philosophe, je lis: (ui tous les citoyens; (le l’économie, quelque efficacité dans les moyens, de la persistance dans le but; voyez partout où la production, la répartition et la consommation (le certaines richesses sociales, sont organisées: — dans Ie administrations publiques et particulières, dans le clergé ; clans l’industrie privée ellenmême, les sociétés par actions3 les grandes exploitations, les chemins de fer et jusqu’aux ateliers des mnanufacttires L. — L’élément d’ordre, l’unique élément, c’est la fonction; la fonction spéciale, reconnue de tous, ayant des attributions bien délimitées, et rigoureusement exigées du titulaire. Dès que l’on trouve quelque I)arl instituée la fonction rêgulière, on trouve — — 29 — la récurité pour tous les accklens de force majeure, pour la vieillesse du fonc. Liminaire, pour le chômage des malades, et la retraite; et (les garantis plus ou moins efficaces contre l’arbitraire; l’appel comme d’abus, etc. Cette conception porte donc arec elle, jusque dans les moyens de réalisation, ses garanties et ses conditions d’ordre, de dignité, de pak, (le stcurité et de liberté véritable pour tons. En effet, puisqu’il sagit d’assurer à tous sans exception, l’éducation, la fonction, la rétribution et la retraite; et la carrière et l’avenir eu tous temps, comment son avènement dans les faits sociaux, pourrait-il exiger la violence, la spoliation, des sacrifices sans compen ations, des déplacemens brusques; enfin des troubles dans les profon - deurs de la Société? Je ne parle pas de l’armée: je craindrais qu’on en conchØt légèrement que / -tt_—- nous voulons importer dans l’atelier, l’odieux régime de la caserne ; flOUS (lui / avons eu aversion et en haine l’obéissance passive partout ailleurs que devant l’ennemi, sur le champ de bataille. La fonction est la garantie de l’ordre et de la liberté, avons-nous dit, parce— qu’elle implique et la règle et la responsabilité; parce quelle n’est que la forme saillante (le l’organisation des devoirs et des droits. Vous voulez l’ordre dans la liberté et l’égalité; la liberté dans l’ordre et l’égalité; les voici tout trouvés. Je le répète: voyez tous les corps organisés, constitués : la magistrature, l’université, etc., mais surtout, voyez l’atelier bourgeois, la manufacture bourgeoise, le chemin de fer, l’administration bourgeois: est-ce que chaque travailleur n’a point ici sa fonction spéciale, ses attributions exclusives; estce que chacun peut faire ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut? La division du travail, en effet, qui a lieu partout comme condition d’économie, de perfection, de rapidité et de puissance, qu’est-ce autre chose donc que la reconnaissance et l’application de cette idée : la fonction. A chaque ordre de fonctions dans l’atelier, Sont affectés un traitement, un salaire, un régime, des conditions particulières; chaqne infraction, chaque négligence colporte retenue, ou sanction quelconqne; enfin un règlement égal pour tous, indiquant les heures de travail, de repos, etc. , plane au-dessus (le toutes les fonctions et de tous les fonctionnaires. Où est donc le mal, où continence l’imptrfection disciplinaire (le l’atelier, de la manufacture, de l’industrie particulière? Elle commence précisément la où finit la fonction, le rgtement, la discipline, la responsabilité, elle commence là où apparatt le maître, l’entrepreneur, le capitaliste, le bourgeois ou le propriétaire;; c’est-à-dire, là oit commence l’ARBITRAIRE, le ratvILÉGà. Faites, au contraire, que les relations de maîtres à ouvriers, d’ateliers à ateliers, soient ce qu’elles sont, d’une manière encore très informe, d’ouvriers à ouvriers, ou d’ouvriers à maîtres; c’est-à-dire, généralisez, universalisez la fonction, le règlement, la responsabitité; et dès l’instant, l’ordre, la liberté, la justice distributive, l’unité et l’égalité (les conditions scut c,,nsominés à souhait dans toutes les relations sociales. En d’autres termes, faites qu’il n’y ait que des associés1onczionnaires; faites que le maître, le chef d’industrie actuel; celui de qui dépen(l aujourd’huile travail, et l’admission ou le renvoi, et le taux du salaire de l’ouvrier, et le règlement de l’atelier; que celui qui est tout puissant et autocrate, sans contrôle supérieur, dans l’iiutustrie, soit lui-même un associé-fonctionnaire, ayant à répondre comme l’ouvrier à plus haut que lui; c’est-à-dire au souve ram, à tout le monde, AU PEUPLE, de ses faits et gestes; que conun tout le monde enfin, il soit ramené à l’égalité dgs conditions économiques et Lioliti. queb. — 30 — Car, en vérité, concevez-vous qu’on se dise des hommes tous libres, tous égaux et frères; et que l’on soitséparé en deux camps, en deux mondes, eut deux natures radicalement inégales en fait; celle des gens qui détiennent les instruuiens de travail; disposent des terres comme d’un monopole hérédi. taire; font ou ne font pas travailler selon leur bots plaisir; octroydnt ainsi le moyens de vivre; décident de tout, et d’abord de la liberté d’autrui; battent monnaie au moyeu de l’nsure;—et cel!e des gens nés pour servir ceux-là, pour en être b cheville ouvrière, les abeilles diligeotes, pourvoyeuses de toutes les superfluités promises à ces demi-dieux; pas mêue si peu! pour végétera s’étioler, s’amaigrir, s’exténuer dans toutes les privations de la misère et les angoisses de l’humiliation! Pourquoi ce privilége, cotte anarchie, ce grand deni de justice, s’il vous plait? Pourquoi tou ces potentats, et ce troupeau P Quoi! dans ce fameux pays de Franco, soixante ans après 89. quand la nation respecte comme un seul homme l’unité civile et politique, le principe de l’égalité devant la loi, on y voit encore tout se gouverner en réalité dans le grand oeuvre de la richesse nationale, de la répartition et de la consomma lloij, comme aux beaux jours des rois et des aristocrates (le l’ancien régime! Il faut, — le souverain le comprendra et le voudra bientût, — il faut ra mener tout à l’ordre, à l’égalité des conditions; vivre en travaillant; être des humains, de simples mort&s, soumis comme tout le monde à la loi commune des citoyens enthi et non des maîtres. Qu’est-ce que cela et n’est-ce pas ce qu’on peut désirer de mieux? II faut, disons-nous; car le noeud gordien esi là. Or, on le peut : il suffit de déclarer dans l’une des futures révisions de la Constitution (pour ne rien dire (le l’imprévu de l’ordre fatal), qu’il n’y a lui: en France, dans le grand laboratoire (les richesses sociales de tout ordre, quo des fonctions et des associés-fonctionnaires. Le Fouriérisme, le Saint-Sinionisune eUe Communisoxe sont, dans leurs systèmes d’association, comme trois momens ou stations progressives de la même doctrine de solidarité, et de la même conception de fonction. Cette vue d’économie sociale n’est doue pas neuve : écoutez les premiers chrétiens par la voix de saint Paul; « Il y a diversité de dons, mais il n’y n qu’un même esprit. — Il y s aussi diversité de ministères, mais il n’y a qu’un même Seigneur. Ily a aussi diversité d’opérations, mais il n’y a qu’un méine Dieu qui opère toutes choses en tous. Mais l’esprit qui se manifeste dans chacun lui est donné pour l’urILIrÊ nx ToVs. -. — Je voudrais que tous les hommes fessent comme moi, re’us chacun a reçu de Dieu SON nou PiRT1CU LIER, 1un d’une ?nanié’re et l’autre d’une autre. » « J’avertis chacun de vous.., de n’avoir pas d’eux-mêmes nue plus hante opinion qu’ils ne doivent, mais d’avoir des sentimens modestes, selon la mesure de la foi que Dieu n départie à chacun, car comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et QUE vous les membres n’ont pas une mémo FORCTLON; ainsi nous, quoique nous soyons plusieurs, nous sommes un seul, corps en Christ, et nous sommes chacun en particulier les membres les uns des autres. — C’est pourquoi, puisque nous avons des dons di/J’érens, selon la grdce qui nous u été donnée, que celui qui ale don de prophétie l’exerce selon la mesere de la foi qu’d a reçue; — que celui qui est appelé au ministire s’attache à son ministère; que celui qui n le don cl’enseigizer s’applique à l’instruction; que celui qui est chargé d’exhorter, exhorte; que celui qui distribue les aumônes, le fasse avec simplicité; que celui qui préside le fasse avec so n... » Il y a plus: toute l’économie sociale du passé depuis mémoire de peuple, repose essentiellement sur la notion de fonction. Les divisions par castes, pal’ tribus, par classes; celles de prêtres, guerriers, agriculteurs, artisans; celles — 31 — des corporations; celles de tous les régimes féodauE et patriarchaux, etc., ne sont pas autre chose que des applications plus ou moins informes, et quelquefois monstrueuses ou stupides, de cette conception prise dans la nature des choses. Chacun ici a sa tâche sociale à remplir en qualité de membre d’un tout inséparable : il est là tout à la fois et pour l’ensemble, et pour les autres, et pour lui. H y a un but général à accomplir; il faut que chacun s’ordonne, à l’activité collective. On est enfin une multitude solidaire: II faut bien que la forme sociale de la solidarité, la fonction, soit, et se manifeste. Si cette idée de fonction perfectionnée, transformée du tout au tout dans 1’appication c’est-à-dire dans l’ordre de liberté, d’égalité, avec la souveraineté du Peuple et de l’Etat-Peuple, est une erreur, une vieillerie, ou une innovation rétrograde, alors je dis qu’on n’a point d’alternative, que la volonté de chacun est sa loi, que le désordre est La règle; et qu’autant vaut déchaîner systématiquement tous les élémens de discorde. L’avénement du régime de la fonction est peut-être plus prochain qu’on ne pense. S’il y a un Peuple prédestiné et déjà préparé pour cette inappréciable transformati.n du citoyen et de l’ouvrier en associés-fonctionnaires, c’est le Peuple français. Il est en France un trait de moeurs qu’on appelle la manie des places, fait instinctif et spontané, fatal même comme tout ce qui est moeurs, un trait caractéristique qu’on n’a point encore interprété au point de vue du progrès; et qui prouve mieux que toute chose que le Peuple français est le plus avancé, le plus unitaire de tous les Peuples; qu’il est niftr pour la liberté dans l’ordre, selon la justice ou l’égalité, pour l’unité ficonornique, comme il l’était en 89, depuis longtemps, pour l’unité civile et politique.— Ce besoin de plsces régulières, à caractère public ou national, est pool- nous le gage, l’indice que la licence du laissez-faire est une importation anglaise qui ne sauraits’acclimater en Fronce, et que tout le mouvement fatal nous emporte bon gré mal gré vers l’organisation et l’unité. Je dis que, par ce trait de moeurs bien avéré, le Peuple français se montre le plus servile, le plus lâche et le plus immoral des Peuples, ou qu’il est le plus accessible aux sentimens d’ordre et de justice, le plus disciplinable dans le sens de l’égalité, de la liberté et de la fraternité. Nous espérons que le Peuple français voudra faire de ce beau pays qu’il habite, le domaine d’une immense association, un vaste et unique laboratoire, magnifique mobilier, bien commun, indivis de tous les citoyens, à charge de bon et légitime usage de leurs forces et de leurs richesses; c’est-à-dire où tous viennent produire selon leurs aptitudes et leur puissance, afin de consommer selon ‘eur nécessaire indéfiniment croissant avec Le produit brut et net dc la Nation; où tous enfin soient solidaires dans les limites compatibles avec la Liberté, et portant avec la responsabilité personnelle. Dès que vous avez fait voir d’une école, d’un projet, d’une mesure éconoinique, qu’elle ne fait rien poula garantie du droit au travail par ta fonction, elle peut avoir son utilité relative, mais vous avez démontré par cela même sa radicale insufilsauce pour la solution du problème majeur de notre époque: l’abolition dit Prolétariat. C’est donc à cette idée comme à un critérium infaillible, qu’il faut venir mesurer la valeur absolue des moyens transitoires ou définitifs proposés par les sectes diverses. Prolétaires de France et d’Europe! votre avènement à la vie sociale, ‘u la Liberté, à l’Eglité, est là tout entIer. La Fonction I voilà la devise de votre salut! Que ce soit donc là votre idée Jixe Je droit à la fonction, la ‘jahté — — de citoyen ausoci&fonctionnaire; voilà toute votre politique résumée dans un mot. hors de la fonction etde la sotidaritd, point de salut. Ainsi, la question d’organisation du travail, telle qu’mi la pose ici, est simple et nette. li y aura encore, dans la plupart des milieux prétendus sociaux que nous proposent les politiques, des chances aldatoires : or, la justice, le droit, l’égalité, disent qu’il ne doit point en exister dans une société bien réglée. — Le Socialisme juste, ramène tout le travail social à des fonctions; il assimile tout trayailleur à un associd-fonctionnaire; il fait de toutes les terres, de tous les capitaux, de tous les fonds productifs, la propriété indivise de la Société. Le droit de pro’priété, c’est le droit de vivre, d’est le droit d’être soi. Comment dès lors le contester? Mais ce droit ne va point jusqu’à s’approprier les instrumens de travail, les objets, la matière, condition absolue précisément de la garantie du droit de propriété pour tous. — Afin de réaliser constamment Id droit de propriété, ou mieux la propriété pour tous, il faut fnire de tout travail, de toute industrie, une fonction sociale; de tout citoyen, de tout travailleur, un fonctionnaire ocial. En conséquence: Le droit de propridtd sur les instrumens de travail se transforme en drois à la fonction. — L’appropriation se transforma en ddldgation: au lieu d’être absolue ou arbitraire, quant à la nature dc la chose déléguée, la pro priété sociale est conditionnelle. La proprhtd mdme, est dans la jouissance ou dans l’usage de la fonction, dans les attributions qui la constituent. Je revenu, le salaire, le profit, le bdnéfice de la propriété se transforme en traitement ou drnolumens. Le cr&lit se détermine par la fonction; il se réalise par l’investiture de la fonction; et, nécessairement, il est gratuit, comme toute fonction, à charge de bonne et due gestion, La production, de libre ou arbitraire, aveugle et disproportionnée, de. vient conditionnelle et rgutière; intelligente, et proportionnelle aux besoins généraux. L’dchange se fait par l’intermédiaire de la société, de la gérance, qui l’effectue, d’une para, en distribuant à tous les matières premières, les condidons et les instrumens de leur fonction; d’autre part, par Je traitement garanti aux fonctionnaires, et par la vente aux consommateurs, Il nous reste à dire comment, en général, suivant nos principes, la fonction doit se donner ou le classement se faire; comment lu valeur relative des produits doit s’estimer, et le traitement se déterminer, et la vente s’effectuer, et la consommation s’opérer; comment la responsabilitd personnelle recevra sanction; s’il y aura variété, multiplicité ou uniformini de fonctions, etc. Mais on n’attendra pas de nous que nous prophétisions scientifiquement l’avenir; on ne nous prêtera pas l’insigne présomption de vouloir enserrer d’avance la spontanéité et l’initiative du genre humain futur, jusque dans les détaifs de nos conceptions individuelles; lorsqu’en réalité ces conceptions elles-mêmes, dans ce qu’elles ont de plus général, nous ne les ofl’rons encore au souverain que comme l’expression de nos désirs et de notre espérance; — fidèles que nous sommes, dans ces limites, à la maxime républicaine: Que çliacun propose; que tous disposent. — 33 — CRITIQUE DES IDÉES DU CITOYEN PROUDUON SUIt DIEU. fiégel avait dit: s Dieu ne se connaît point dans la nature; il ne prend w conscience de lui-même que dans l’humanité. » Eefferbach, enchérissant sur son maître, ou le développant peut-être, vint dire: « Il y a dentitd entre l’essence humaine et l’essence divine; la religion » n’a que l’homme pour sujet et pour objet. La science de Dieu n’est que la » science de l’homme. Enfin Dieu c’est l’homme, car, encore une fois, l’essence » divine n’est autre que l’essence de l’homme; et Dieu n’est, et ne saurait être » que l’essence même de l’homme, conçue comme séparée de l’homme. Les « prétendus êtres supérieurs que notre imagination nous crée ne sont autre w chose que des représentans de la perfection humaine teileque nous la concevons (i) *. C’était évidemment dire: il n’y a point de Dieu; Dieu, c’est un spectre, un symbole, un feu follet de l’imagination humaine. Et Proudhon, répétant Feiierbach, dit: « FA religion pour nous, n’est pas la symbolique, c’est le contenu, le mot de la symbolique. Pour découvrir la vraie religion, il faut.. - montrer philosophiquement... le surnaturalisme dans » la nature, le Ciel dans la société, Dieu dans l’homme. » Mais (l’abord, il faudrait que Pauteur s’entendît et se mît d’accord avec lui- même. Croit-il, oui ou non , à Dieu et en Dieu; en affirme-t-il, oui ou non, rexistence; c’est-à-dire la personnalité et la conscience? car, à l’heure qu’iL est, ma’gré tant d’élucubrations nébideuses, de sa part, sur ce capital sujet, on peut encore se demander ce qu’il pense, lorsqu’on oublie qu’il ne faut pas voir en lui un philosophe qui aime, qui contemple et étreint les idées; mais un spéculatif, qui les remue et les maltraite. En 181s6, il écrit, parlant de Dieu, que « tout ce que la raison nous comw mande à son égard, c’est la négation.... Il sera toujours pour l’homme » comme s’il n’était pas. Si les cieux racontent la gloire (le l’Eternel, leur » témoignage le détrâne. Le simple soupon d’un Étre suprême est déjà noté » comme la marque d’un esprit faible.. - Comme il est impossible que la spé- » culaUon s’arrête, il est nécessaire qu’à la longue l’idée de Dieu disparaisse. ,i La véritabl vertu, celle qui nous rend dignes de la vie éternelle, c’est de » lutter contre la religion et contre Dieu.... Le genre humain, au moment où j’écris, est à la veille de reconnaître et d’affirmer quelque chose qui éqai» vaudra pour lui à l’antique notion de la Divinité. — Si l’humanité..,, per- » siste sciemment, mais non plus librement, dans cette opinion d’un Etre » souverain qu’elle sait n’être qu’une personnification de sa propre pensée: si » elle est à la veille de recomnencer ses invocations magiques, il faut croire » qu’une si étonnante !zaflucination cache quelque mystère... — S’il est un » Etre qui avànt nous, et plus que nous, ait mérité Penfer, il faut bien que je s le nomine, c’est Dieu. » ... Et moi, je dis : Le premier devoir de l’homme intelligent et libre, est de chasser incessamment l’idée de Dieu de son esprit et de sa conscience; s car, Dieu, s’il existe, est essentiellenient hostile à notre nature, et nous ne w relevons aucunement de son autorité. Nous arrivons à la science malgré luit » au bien-être malgré lui, à la société malgré lui; chacun de nos progrès (1) Voyez dans la Reruc Indépendante, année 1844, l’article Essence du Clinstian is’nc, par Louis Feilerbach, signé taEriTaOrt’. —34— » est une victoire dans laquelle nous écrasons la Divinité... Qu’on ne dise plus: les voies de Dieu sont impénétrables; nous les avons pénétrées, ce voies, et nous y avons lu en caractères de sang les preuves de l’impuissance,, si cen’est du mauvais vouloir de Dieu. MaraiSon, longtemps humiliée, s’élève peu â peu au niveau dc L’infini; avec le temps elle découvrira ce que » son expérience lui dérobe, avec le temps je serai de moins en moins artisai de malheur, et par les lumières que j’aurai acquises, par le perfctionne» ment de ma liberté, je me parifirai, j’idéaliserai mon être; je (levien’ drai le chef de la création, l’égal de Dieu. Un seul instant de désordre » que le Tout-Puissant aurait pu empêcher, et qu’il n’a pas empêché, accuse » sa pi’ovidence et met en défaut sa sagesse.... De quel droit Dieu nie dirait- » il encore : sois saint, parce que je suis saint? Esprit menteur’, lui répon’» drais-je, Dieu imbécile, ton règne est fini, cherche parmi les bêtes d’autres » victimes. Je sais que je ne suis ni ne peux devenir saint Pourquoi me » trompes-tu? pourquoi, par ton silence, as-tu déchalué en moi l’égoïsme ?... » Les fautes dont nous te demandons la remise, c’est toi qui nous les fak a commettre.... et le satan qui nous assiége, c’est toi L Et maintenant te » voilà détrôné et brisé: ton nom, si longtemps le dernier mot du savant,.. » le refuge du coupable,.., eh bien! ce nom incommunicable, désormais voué au mépris et à l’anathême, sel-a sifflé parmi les hommes; car Dieu c’est » sottise et lâcheté, Dieu c’est hypocrisie et mensonge, Dieu c’est tyrannie » et misère, Dieu c’est le mal.... Dieu retire.toi! car dès aujourd’hui guéri. » de ta crainte et devenu sage, je jure, la main étendue vers le ciel, que tu » n’es que le bourreau de ma raison, le spectre de ma conscience.... « Je nie donc la suprématie de Bien sur l’humanité. Je rejette son gouver» nement providentiel dont la non existence est suffisamment établie par les » hallucinations métaphysiques et économiques de l’humanité, en un mot par le » martyre de notre espèce ; je décline la juridiction de l’Etre suprême su » l’homme : je lui ôte ses titres de père, de roi, de juge, bon, clément, rému» nérateur et vengeur. Tous ces attributs dont se compose l’idée de providence ne sont qu’une caricature de l’humanité Non seulement la provi» dence n’existe pas, mais elle est impossible... L’homme, an lieu d’ndore en » Dieu son souverain, ne peut et ne doit voir en lui que son antagoniste. Le » vrai remède au fanatisme.., c’est de prouver à l’humanité que Dieu, au cas » qu’il y ait un Dieu, est son ennemi... Je sais que mes tendances les plus au» thentiques m’eloignent chaque jour rie la contemplation de cette idée; que » l’athéisme pratique doit être désormais la loi de mon coeur et de ma raison » que c’est de la fatalité observable que je dois incessamment apprendre la » règle de ma conduite; et que si un jour je dois me réconcilier avec Dieu, cette réconciliation, impossible tant que je vis, et dans laquelle j’aurais tout » à gagner, rien à perdre, sic se peut accomplir que par ma destruction,.. » Combien devait être irritée, malheureuse, la créature qui a écrit de telles énormités! Pardonnez-lai : elle ne sait ce qu’elle fait ni ce qu’elle dit: elle est sous l’influence d’une fatale insanité: sa folie se manifeste par les emporte. mens de l’orgueil : Voilà tout le mystère. Si le mystère est ailleurs; si l’auteur était calme et dans la pleine possession de ss facultés I Oh! il n’est pas besoin de coninlentaires! Pour ceux qui ont écouté, il a lui-même prononcé sa condamnation, en évoquant toutes les laideurs de son idéal, toute la dégradation de son intelligence, toute l’ingratitude de son coeur. Qu’on nous permette encore une courte interruption dans ce narré textuel des accès de théophobie du plzilosoØlae des misères humaines. En 181i9, il ne veut pas qu’on le donne art peuple comme un athée ; et c’est lui-même qui se dénonce athéeAans ces paroles si formelles de 181s6: « L’a’ théisme PRiTIQUE doit étre désormais la loi de ,non coeur et de ma raison. » Ainsi, le peuple est averti : ce n’est point ici de l’athéisme spéculatif; iL faut qu’il voie dans l’écrivain un lhée vivant et agksant, — 35 — Mais reprenons notre petite revue rétrospective. En septembre 1848, il écrit encore: « Oui, nous voulons la religion; mais que personne ne s’y trompe. La reli» gion pour nous n’est pas la symbolique: c’est le contenu, le mot de la sym» bolique. Pour découvrir la vraie religion, il faut recommencer notre exé. » gèse, montrer philosophiquement, à l’aide des nouvelles données sociales, * le surnaturalisme dans la nature, le ciel dans la socidtJ, DIEIT DMS » ‘ROMME. » Mais tout à coup, je ne sais par quelle hallucination, il se ravise; et par un brusque mouvement de conversion, le 5 février i81î9, il fait SESWENT DEvANT DIEu et devant les hommes, sur l’Evangile et sur la Constitution; ce qui suppose absolument qu’il croit à Dieu et en Dieu, qu’il affirme son existence et sa perfection, sa toute-puissance, sa providence et sa souveraine bonté. Qu’enfin, dans sa pensée, Dieu domine et l’humanité, et l’Eyangile et toutes les constitutions humainês. Le 5 novembre de la même année 1849, revenant à son athéisme de 1846, il affirme de nouveau qu’il n’y a point de Dieu. « Ce que nous cherchons et » que nous voyons en Dieu... ce n’est point cet être, ou pour parler plus » juste, cette entitd chimêrique, que notre imagination agrandit sans cesse, et » qui, par cela même que d’après la notion que s’en fait l’esprit, doit être » tout, ne peut dans la réalité être rien: c’est notre propre idéal, c’est » L’humanit&.. L’âme humaine.., s’aperçoit hors d’elle-même comme si elle » était un être différent placé vis-à-vis d’elle: C’est cette IMAGE qu’elle appelle » Dieu. >) Ainsi, le voiLà passant et repassant de la lumière aux ténèbres, du bord d’Ormuzd au bord d’Ahriman, avec un sans.façon inouï. Erigerait-il en s1ème l’art de se contredire. On le devrait croire, tant il est prodigue de démentis envers lui-même. Voyez plutêt un échantillon de son inconsistance: En 1846, dans ses contradictons économiques, il vient médire de PEvangile, et le qualifier d’absurde en ces termes: « Aimez Dieu de tout votre coeur, nous dit l’Evangite, et haïssez votre âme » pour la vie éternelle. Précisément le contraire de ce que nous commande la » raison. » D’abord, on fait dire à l’Evangile une monstruosité morale qu’il n’a formulée nulle part, de près ni de loin; mais là n’est point la question; la question, la voici: Le 5 février 1849, on fait serment, devant Dieu et devant les hommes, sur L’EvASGILE et sur la Constitution. — L’Evangile qui était, en 1846, préci-. sément le contraire de ce que commande la raison, est donc bien grand, bien raisonnable, bien sacré en 1849, pour que l’on vienne l’invoquer dans l’acte solennel du serment I’ — Qui trompe-t-on ici? « Les Révolutions ne reconnaissent pas d’initiateurs. Elles viennent quand le signal des destinées les appelle; elles s’arrêtent quand la force mystérieuse » qui les fait éclore est épuisée. » Ainsi, d’une part, il n’y a point de Dieu; et d’autre part, il y n une force mystérieuse qui domine et plane sur nos destinées! Le lecteur entend : il qualifiera; il dira où est la superstition et la déraison. L’auteur affirme quelque part que l’idée de Dieu et le sentiment religieux s’en vont et disparaîtront tout à fait; que c’est déjà la marque d’un esprit faible de croire à un être suprême. Et à quelques pages de là, il affirme lui- même que l’Humanitê est à la veille de ‘recommencer ses invocations ma gique et ses hallucinations mystiques. « Toute infraction à la justice, dit-il encore, frappe le brigand en thême temps que la victime. • Mais alors que deviennent toutes les invectives de l’athée contre la providence, la justice et labonté de Dieu.., qui n’est pas — 36 — il est impossible, a-t-il dit, tic croire que Dien nous aime ni nous cstmc Et voilà qu’il reconnalt implicitement que Dieu a tout prédisposé pour la justice, jusqu’à kil donner dès ce monde éne sanction liurliédiate et Inéludable. Il me semble qu’iL y n là quelque preuve d’amour et de providence, et que. ces preuves n’attestent guère « de la part dc Dieu une profonde misant hio« pie. » Il me semble au contraire qu’elles attestent de la part de sa créature une effroyable ingratitude; il me semble enfin qu’on ne pouvait mieux accuinu1er de contradictions dans le livre des contradictions. Nous pourrions continuer sans fin cette énumération des fiagrans délits d’illogisme du philosophe; mais il vaut mieux revenir à son édifiant athéisme. Qu’est-ce que Dieu? — On ne sait pas, dit-il; et J’a-dessus il s’ima- gine être profond, lorsqu’il n’est que superficiel. Car, philosophe Qu’est- ce que l’homme, que le monde extérieur, le moi et le non-moi? — On ne SAit pas; car ou ne sait absolument sien du fond de toute essence, de la chose en soi, de l’étre en soi. On sait, ou plutôt on croit qu’elle est; on ne sait pas ce qu’elle est. Cela est surtout devenu évident depuis Kant et Fichte, et n’a plus besoin d’être prouvé. Mais cela empêche-t-iL de croire à l’homme, a l’univers, à notre âme et à la nature, au moi et au non-moi; à l’existence des êtres, à. celle de la lune et du soleil? Eh bien I ne croyez donc ni à votre existence, ni à celle de vos semblables, ni à l’être de quoi que ce soit, ni à la réalité extérieure de ce pavé ou de cette borne à laquelle vous allez vous heurter, ni à cet ablme devant vous béant; ou croyez aussi et au même degré, et davantage même, à l’existence de Dieu, comme l’ordonne la raison, et comme y force le coeur, la natur’. « La Divinité n’est point matière de sivoxa; c’est matMre de aox. » —— La Divinité I... Il existe donc une Divinité ‘a laquelle croit le genre humain? Il y a donc un Dieu? Seulement ce Dieu n’est point abordable à la science, mais à la croyance, à l’amour et au coeur. — Si c’est là la pensée de l’auteur’, que ne l’explique-t-il tout simplement; car nous n’avons pas d’autre doc trine. Igiiorez-vous que votre âme aussi, votre moi substantiel et permanent, celui qui survit par de-là les phénomènes dont votre conscience est le théâtre; que le monde extérieur et le non-moi, et vos semblables eux-mêmes, auxquels vous croyez comme étant certains, sont au même titre que Dieu, matière da foi et non pas matIère de savoir: le savoir étant pris ici comme un degré d’évidence ou de certitude absolue. Ignorez-vous que le savoir est toujours égal à la foi on croyance qui est à sa base; que la raison elle-même, ne vaut que ce que vaut cette croyance, puisque c’est cette croyance ‘qui lui communique toute l’autorité qu’elle s pour notre volonté? Si donc vous niez Dieu parce qu’il ne vous est donné que par la croyance naturelle, la logique, votre idole, vous mène en droite ligne à la négation (le votre moi, de votre âme, de la nature extérieure, de tous les êtres, de tous les hommes qui vous entoul-ent; et le ni’hilisme, je vide universel, absolu, est devant vous. Est-ce là ce que vous professez? Il y a plus : si vous êtes Dieu, comme l’indique trop l’identification absoln que vous faites de Dieu et de l’humanité, laquelle nepeut être que vous-même vous ne vous savez être que par la foi. La croyance, mais non la science de votre propre divinité, voilà tout le fondement de la certitude où vous êtes que Dieu c’est vous ou l’humanité; mais par vous,je n’entends pas une substance absolue, permanente (il n’y a plus de substance dans votre dictionnaire), mais un tout relatif, sans cesse fugitif, périssant, défaillant ou ressuscitant avec les phénomènes. — 37 « Le principal attribut, te trait signalétique de notre espèce, après la » pensée, est de croire, et avant toute chose de croire en Dieu. » L’auteur croit donc en Dieu, puicque le principal attribut de notre espèce est d’y croire?Il y a donc un Dieu pour l’humanité, puisqu’elle a pour attribut d’y croire. En effet, comment concevoir qu’une espèce, ayant pour attribut principal et caractéristique, de croire à l’existence d’un être, cet être, cependant, n’existât pas et ne fût qu’une image? Le moyen, alors, pour cet être, de s’assurer qu’il est dans l’illusion, lorsque son attribut caractéristique serait d’être certain ou persuadé de la vérité de ce qui, cependant, ne serait en i’éalitC’ qu’une illusion! Oh! le puissant logicien etle merveilleux raisonneur! « Le principal attribut, le trait signalétique de notre espèce, après la pen. » sée, est de croire; et, avant toute chose, de croire en Dieu. » Qu’est-ce que la pensée d’un côté, et la croyance de l’autre? Est-ce qu’il y- aurait une pensée sans croyance et une croyance sans pensée? Est-ce que la pensée toute seue peut affirmer quoi que ce soit? Est-ce qu’elle a autorité pour cela? Elle éclaire, elle fait voir, mais l’amour et la volonté font le reste. — Je crois ma pensée comme je pense ma croyance. Sans doute, je ne crois en Dieu que parce que je pense Dieu; mais ce qui fait, qu’en pensant Dieu, j’affirme son existence, c’est que je crois en lui d’une croyance qui ne se dément pas, et qui n’est point mon ouvrage plus que la pensée que j’en ai. Aussi puis-je bien soutenir que, malgré L’auteur, Dieu s’affirme eh lui ‘u chaque instant, parce que étant en lui, il te visite, quoique fasse le phllosophŒ athée; et le suit et le juge à l’heure même où sa bouche le nie. Que serait la pensée, la raison, l’intelligence, si nous ne croyions point instinctivement, nécessairement, providentiellement, ou par un universel penchant du coeur et de la volonté, à ce qu’elle nous révèle? Et que seraient nos croyances naturelles, notre foi, si la raison, la pensée leur était contradictoire ou seulement hostile? Que lui dira de plus sa raison, si sa raison n’a d’autre autorité que celle qu’elle tire de la croyance qui l’accompagne? La raison seule est impuissante à prouver la réalité de quoi que ce soit hormis Le phénomène interne en tant que phénomène; et que dis-je, la raison, qu’est.elle ici même, si on l’isole de la certitude absolue, de l’impossibilité où nous sommes de douter du phénomène en tant qu’il sous apparalt? Si nous sommes absolument nécessités- ‘n croire, ‘n affirmer que le phénomène se passe, tandis qu’en effet il se passe, ce n’est point l’intelligence seule qui constitue cette nécessité, c’est tout à la fois notre sentiment et notre volonté, dont après tout l’intelligence ne se peut absolument pas séparer dans aucun cas de la vie psycologique. On dirait même , qu’il répugne à la raison de connaître et de » savoir Dieu. Il ne nous est donné que d’y croire. » Nous ne connaissons, nous ne savons le fond de rien : je le répète: l’essence, la substance, t’être en soi, et de Dieu, et de la nature et de nous même ou de notre âme, tout ce qui est à la racine, nous échappe. A Dieu seul est réservé ce privilége. Pourquoi donc cet étonnement; « On dirait même qu’il répugne t la raison de connaître Dieu. » L’auteur a donc oublié Fichte, qui, après avoir tenté tous les tours de force que lui, son disciple attardé, recommence, s’écrie: « 2’ous naissons tous dans la croyance cc Il ne nous est donné que d’y crozre? » Vous croyez donc en Dieu? mais alors il existe donc pour vous? Dieu est donc; et il est donc autre chose que vous, que l’humanité? mais alors, pour Dieu, dites nous ce que vous voulez dire. L’athée serait-il le don Quichotte de la métaphysique transcendantale? c Ce que nons cherchons et voyons en Dieu , c’est notre propre idéal, » c’est l’humanité L’âme humaine ne s’aperçoit point d’abord par la con— » templation réfléchie de son noi ainsi qtie I’entencern les psycologues, elle — 38 — s’aperçoit hors d’elle-même comme si elle était un être différent placé vis- » à-vis d’elle. C’est cette image qu’elle appelle Dieu. Ainsi la morale, la jus- » tice, l’ordre , les lois, ne sont plus choses révélées d’en haut, imposées à notre libre arbitre par un soi-disant créateur, inconnu, inintelligible; ce » sont choses qui nous sont propres et essentielles, comme nos facultés et » nos organes, comme notre chair et notre sang. En deux mots: Religion » et Société sont termes synonymes: l’homme est sacré pour lui-même comme •» s’il était Dieu. Le catholicisme et le Socialisme, identiques pour le fond, ne » diffèrent que dans la forme : ainsi s’expliquent, à la fois et le fait primitif » de la croyance en Dieu et le progrès irrécusable des religions.>) C’est là ce que l’auteur appelle tllever le christianisme à sa seconde puissance. Si Dieu est dans l’humanité comme être prenant conscience de luim8zne: il est, en dans chacun des individus, ou dans l’humanité considérée, non pas comme être collectif,—absolument parlant, l’esprit humain ne conçoit pas d’être colle>tif,—mais comme être, source etmatrice des individus humaius. Dans cette dernière hypothèse, si l’être humanité est Dieu, pourquoi aussi l’être animatité, l’être végétal et l’être minéral, etc., n’auraient-ils pas leur Dieu? Ainsi nous voilh revenus à la pluralité des Dieux; c’est-à-dire à la négation (le Dieu: ou bien chacun de nous, individus, a encore deyant lui, distinct de lui, quoique non-absolument séparé de lui mm Dieu, un être suprême relatif à son espèce., de qui il reçoit l’être, le mouvement et la vie, et sa loi. — Dans l’hypothèse de chaque individu-Dieu, il n’y a plus de Dieu, chacun est sa loi â lui-même, et néanmoins Dieu prend conscience de lui-même dans une conscience qui sait bien n’être rien moins que Dieu,, qui a la conscience fort nette de n’être pas Dieu; tant s’en faut, qu’elle se sent faible, impuissante, misérable, incompréhensible à soi-même, sans la croyance à un être parfait distinct d’elle en tant que personnel et conscient, et de. qui elle tient sa conscience et sa personnalité propre. Or, dans les deux hypothèses, et dans toutes celles qu’on peut faire, hoirmis celle du Dieu un qu’adore le genre humain, vous ne pouvez rendre raison de l’unité et de L’harmonie qui éclatent dans l’univers, et entre les moitidre de ses parties; et tous les principes, toutes les relations, que notre esprit affirme exister entre les êtres, sont des énigmes à jamais inexplicables. On professez avec Fichte l’idéalisme subjectif absolu, ou reconnaissez Dieu au sommet et à la base de la nature, des êtres, des principes et des relations. Tout ce qui est, est an, par son harmonie propre, et par sa dépendance de l’un absolu, sous peine de n’être point : et celui qui ne l’a pas compris ne peut parler de ces choses. Vainement, donc, on tenterait de se fixer dans L’hypothèse absurde de l’éternelle nécessité d’atômes ou de monades qui seraie:t causes d’elLes-mêwes et dès lors autant de Dieux; car leur évidente solidarité, leur ordre évident, leur évidente harmonie, et leur évidente usité, impliquent nécessairement la croyance, l’idée d’un être ou principe supérieur à elles toutes, qui les domine et les enserre ou les comprend jusqu’à ce point que non seulement elles reçoivent de lui leur législation morale; mais qu’elles puisent dans sou essence leur être; et dans sa volonté, Leur mouvement et la vie. — Rien d’explicable sans cette croyance ou cette hypothèse. — L’auteur sait bien que l’intelligence n’est satisfaite que lorsqu’elle est remontée à mine cause, à une raison, à une unité dernière, au-delà de laquelle il n’y n rien,. — Kant a dfi le lui démontrer. Cette autorité de Kant, L’auteur l’invoque souvent, et se met volontiers à. couvert sous sa grandeur réelle. - Or, ici, comme partout, Kant a plutôt détruit qu’édifié; mais au moins il a détruit ce qui devait être détruit et n’est guère allé au-delà. Sa critique a siugulièrement contribué à purifier les preuves de L’existence de Dieu, de l’alliage empirique qui venat amoindrir la portée asokie de ce preiwes. C’est lui qui — — 39 — n fait voir que les preuves dites physiques ou de l’expérience doivent toute leur valeur à la preuve ontologique ou métaphysique. Il n surtout combattu la preuve d’Anselme, en montrant que si la croyance à l’existence de l’objet des idées n’était point indivisiblement unie par notre constitution intellectuelle à la conception ou à l’idée même de cet objet, le passage de la conception pure, y compris l’existence, à la réalité extérieure ou objective de l’objet, était illégitime. En effet, en supposant que la notion d’existence soit implicitement comprise dans la notion générale de l’être absolument parfait, qu’c SI-ce que cela prouve? Nous avons la notion de l’existence, sans doute; mais ce n’est point de la no tion, c’est de la réalité objective de l’existence elle-même qu’il s’agit. Or, de l’idée de l’existence à la certitude de l’existence même il n’y a point de passage nécessaire, rationnel, et partant légitime, suivant Kant. Nous disons, nous, que ce qui vaut à l’homme cette certitude et accomplit le passage de l’idée à la réalité, on du dedans de l’esprit ait dehors, c’est hi croyance naturelle à cetm existence objective, c’est le désir, que nous en nourrissons naturellement, c’est le besoin rationnel et sentimental de cette existence, dont l’hypothèse seule peut satisfaire à l’explication universelle. Kant prouve donc que tout procédé d’induction qui prétendrait faire passer rigpureusement, rationnellement, l’esprit humain, de l’idéal au réel, (lu Sujet à l’objet, est vain; qu’on ne peut conclure de l’idée de l’être infiment parfait (y compris l’existence comme condition ou attribut), Conçu comme possible, à sa réalité objective. Kant a donc détruit la prétention logique ou dialectique de la preuve d’An- seime, de Leibnitz et de Cudworth, mais voilà tout. L’indivisibilité de l’idde de Dieu, et de la foi en l’existence de Dieu, n’en reste pas moins un fait de nature constant, providentiel et nécessaire, d’autant plus affirmé et constaté par cette mémorable polémique. Kant reconnalt bien que t’être réel est la condition de la possibilité des êtres avant leur existence positive mais il nie le caractère absolu de la nécessité de l’être parfait: « De ce qu’il y a une cause première, c’est-à-dire indépendante, » il suit seulement que si les effets existent elle doit aussi exister, mais non » qu’elle soit nécessaire e’une manière absolue. » Mais ici, Kant a recours à ce qu’il appelle la raison pratique pour obtenir la certitude que sa raison pure est impuissante à lui donner. La raison pratique dit que la vertu mérite le bonheur. La condition absolue du bonheur, c’est la vertu, le respect, l’accomplissement de la loi du. devoir, laquelle a toits les caractères de l’universalité, de l’absolu. Or le bonheur n’est point, durant cette vie, en harmonie avec la vertu. La compensation, ou la réalisation de l’équilibre est ailleurs par le voeu d’un être qui en est la raison et le dispensateur. Il y a donc nécessité à ce qu’il existe un être principe et cause de cette loi, raison absolue, nécessaire, de l’harmonie qui est préétablie entre le bonheur et la vertu; principe de justice, législateur, rémunérateur et vengeur, des êtres qu’il n créés libres et capables de mériter. Nous voilà donc ramenés à l’obligation de croire à un Dieu dont la raison spéculative ne nous donne l’existence que comme hypothétique. Gar, il est de toute évidence que ce n’est point une démonstration, mais uniquement une croyance fondée sur la considération de notre nature intellectuelle et morale, qui nous fait affirmer que la vertu mérite le bonheur, et qui nous en ‘end certains. Etrange faiblesse (les plus fortes têtes: Voici une moitié de la raison qui dit oui, tandis que l’autre moitié dit non, sur la même question! Certes, il n’y a ni profondeur, ni vérité, ni convenance dans ce partage de nos facultés; et la noble pensée de Kant a dê se convaincre qu’ici elle avait fait fausse route et naufrage. Combien Lcibuitz dépasse les philosophes de la taille des athées! E pojs — 40 — signalant la nature de la certitude • il va droit a la solution véritable: Lés âmes connaissent les choses, parce que Dieu a mis en elles un principe représentatif (le ce qui est hors d’elles; mais Dieu connaît es choses parce » qu’il les produit continuellement. » Mais quj garantit à l’homme que les idées qui sont en son âme lui représentent ce qui est hors d’elleP—Sa croyance, sa foi, ses ddsirs, son amour, sa volonté. Et de même donc, en particulier, qu’est-ce qui le rend certain que l’idée de Dieu, d’un être unique, parfait, qui est nécessairement dans sa pensée, lui représente un être réel qui est hors de sa pensée. C’est encore exclusivement sa croyance instinctive, irrésistible; son désir constant qu’il en soit ainsi; le sentiment vif, tout puissant, et consolant, qui le tient fldèlemei3t rattaché à cette croyance; et l’explication universelle des choses qui, sans cette existence, demeurent sans raison, sans unité, comme une éternelle ni’me dans le chaos. Maintenant quelle estime façt-il faire de la foi solitaire, de la certitude inso‘ite qui fait affirmer à l’auteur que sa personne ou l’humanité, c’est Dic u même? Je vois cette immense différence entre sa foi en sa personne comme Dieu, t notre foi en l’existence d’un Dieu distinct de l’humanité, être absolu ét infini, tout personnel et conscient, c’est que lui seul la nourrit, ou plutôt l’a sur les lèvres; c’est qu’elle ne lui est venue que bien tard, alors qu’il en avait eu une autre qui ne le quittait point, et qui, je gage, visite encore sa conscience plus d’une fois par jour; tandis que nous, en compagnie du genre humain passé. présent et, je ne crains pas d’affirmer aussi, du genre humain à venir, sous avons toujours en cette foi, toujours la même, irrésistible, constante, ne faisant que crottre en clarté, en force et en efficacité; ce qul Semble indiquer qu’elle est bien naturelle, sceau de la vérité, boussole de la vie, révélation de ce qui est. Si vous mettez Dieu en vous, pourquoi pas aussi le monde tout enlier, l’univers, la nature ctérieure? Pourquoi pas tous vos semblables, tOus les êtres qui vous environnent? Car c’est ainsi, c’est uniquement sur une croyance pareille, sur le même fondement de la croyance instinctive, d’un aveugle mouvement du sentiment et de la volonté, que je nie porte à l’affirmation, à la certitude et que j’établis comme indubitable, l’existence et l’extériorité de l’univers, cella de mes semblables, et la réalité de mon être propre. Fichte, du point de vue où l’auteur s’est placé, est le seul logique. Fichte ne croit qu’à son moi : et tout est en lui, même Dieu; même ce qu’il croit être non_moi. Et de même, si vous avez une hallucination, sixous êtes sous l’influence d’un mui’age iniellectuel lorsque vous croyezà Dieu comme à un être extérieur à pourquoi ne le seriez vous pas aussi en croyant à la nature extérieure et à vos semblables; car enfin si ma croyance naturelle, instinctive, mon amour, mes besoins les plus grands, en me donnant la certitude que Dieu est un être réel, externe à moi; si ce critérium, dis-je, me trompe jusqu’à me faire prendre pour réel, à moi et au genre humain depuis six mille ans, ce qui n’est qu’une image, une forme symbolique; c’en est fait aussi (lu monde extérieur tout entier et de tous les autres Moi; car encore une fois c’est des deux parts la même inclination de ma nature, la même croyance, la même foi qui m’y fait adhérer; mais alors et e nouveau, je me range à la doctrine idéa. ilsie absolue (le Fichte: il n’y a que moi, même dans le non-moi, et je suis Dieu, Humanité et nature. — Ou bien je vais à l’autre extrême qui touche celui-ci; je transporte l’idéalisme subjectif dans l’idéalisme objectif absolu; je passe au panthéisme, et je confesse le Crddo de Schelling ou de Hégeh Enfin si vous récusez l’autorité de la foi naturelle lorsqu’elle vous fait aflirnier l’existdnce extérieure de Dieu, et celle de vos seml)labIes, et celle de 5a nature, où chercherez-vous l’autorité qui vous fasse affirmer avec certitude “existence en vous ou dans l’humanité de ce Dieu, mis jusqu’ici en dehors ht — 41 — monde comme un être réel et comme l’être des êtres? Car, évidemment. c’est la foi seule aussi qui vous rend certain de c’tte transposition de l’être; vous ne pouvez trouver un critérium de certitude purement rationnel, et vous en convenez vous-mênie. Ainsi, voilà qu’après avoir rejeté un critérium lorsqu’il nous donnait une affirmation, vous acceptez et invoquez ce méme critérium pour fortifier une affirmation toute contraire. Lorsque la croyance instinctive naturelle, la foi du genre humain tout entier depuis mémoire d’homme, dit qu’il’ est un Dieu extérieur à l’humanité, vous rejetez l’autorité de la foi naturelle; mais lorsque c’est vous avec quelques solitaires qui vous imaginez que Dieu c’est l’humanité, vous dites que cette même foi qui ne valait rien est bonne. Vous détruisez tout critérium de certitude pour l’humanité et puis vous affichez la prétention d’atllrtner quelque chose; vous niez que l’homme soit certain de rien, et au même moment vous vous permettez d’être certain de quelque hose. Mais vous vous gardez bien de donner vos preuves: vous avez tout fait pour vous ravir à vousmême toute possibilité de prouver quoi que ce soit. Qu’avez-vous, en effet, à opposer à la foi universelle du genre humain? Une argumentation sans base dans les profondeurs psycologiques; un philosophisme transcendantal qui ne s’appuie sur aucun critérium avouable de certitude; de déductions historiques vagues, une philosophie du mouvement intellectuel et social de l’humanité qui ne peut soutenir la vérification par les faits; et qui croit spéculer sur le réel, lorsqu’elle se repaît de nébuleuses et inintelligibles abstractions. Que sais-je d’une manière évidente, absolue? bien peu de choses: les phénomènes de ma conscience, en tant que phénomènes; et rien de plus. EŒ effet, tout ce qui se passe sur te théâtre (le ma conscience est pour moi évident, d’une évidence absolue; certain, d’une certitude absolue; car c’est moi sentant, pensant, aimant, voulant; et ièi je saisis réellement le phénomène, je rembrasse en quelque sorte et le crée; car le phénomène, c’est moi-même réalisant le phénomène. Au delà, je n’ai plus qu’une certitude relative, parce que je n’ai plus que: 1’ des croyances instinctives, irrésistibles, constantes; 2° des inclinations naturelles du coeur et de la volonté; 30 des probabilités plus ou moins voisines de la certitude; 4° et enfin la foi religieuse, celle qui provient d’une disposition particulière, mystérieuse, qu’on nomme la grdce. C’est ainsi que les êtres, en tant que réels, ou sùbstantiels, nu extérieurs; les principes et les relations, en tant que pensés et voulus par l’Être suprême, nous sont donnés ou par la croyance naturelle, instinctive, irrésistible et permanente, ou par une forte pente du coeur, du sentiment, des désirs et de la volonté. L’idée de justice, toutes les autres notions morales, et jusqu’aux principes qui gouvernent notre vie sociale, ne nous sont pas donnés autrement. Otez la foi naturelle qui nous porte de coeur et de volonté à l’assentiment et à l’affirmation, non-seulement l’homme vit incertain sur toutes choses, mais il n’y a plus de certitude d’aucun genre pour l’humanité. Si donc vous rejetez l’autorité absolue de la croyance en Dieu, vous rejetez au même titre toute notion morale; et je vous ddfie d’aborder la solution d’aucun problème social dconomique et politique. Métaphysicien de L’athéisme, que ne lisiez-vous Pascal, Fichte, Jacobi, après Kant; ils vous eussent épargné bien des spéculations vides, et à vos lecteurs un dangereux appel au doute. Pisexi. vous aurait appris que si « nous avons une impuissance de prou- » ver, invincible à tout te dogmatisme, nous avons une idc de la ve’ritd, » iiwincible à tout le pyrrhonisme; —- que tout noU e raisonnement se ré— » duit à céder à notre sentiment; — que nous connaissons la vérité non-sen. — 42 — lement par la raison, mais encore par le coeur; que c’est de cette dernière sorte que nons connaissons les premiers principes, et que c’est en vain que le raisonnement qui n’y a point de part essaie de les combattre, — Que c’est sur ces connaissances du coeur et de l’instinct qu’il faut que la raison » s’appuie, et qu’elle y fonde tout son discours. — Les principes se sentent, les propositions se concluent; et le tout avec certitude, quoique par dilE» rentes voies. — Et il est aussi ridicule que la raison demande au coeur des » preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu’il serait ri- » dicule que le coeur demandât à ta raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre pour vouloir les recevoir. Cette impuissance se » doit donc servir qu’à humilier la raison qui voudrait jugerde tout, mais non » pas à combattre notre certitude comme s’il n’y avait que la raison capable » de nous instruire. * FOURIER aussi aurait dû arrêter votre méditation lorsqu’il dit « TOUteS » nos impulsions collectives sont oracles des destinées, interprètes du sort » que Dieu nous prépare en l’une et l’autre vie; et selon la règle d’infra. » destin, nécessaire à l’équilibre é’séraL, nous devons espérer plus que les » biens dont le désir est universel.... L’aiguillon de l’attraction nous stimule w continuellement, et par des impulsions aussi invariables en tout temps et en » tous lieux ue les lumières de la raison sont variables et trompeuses. » Mais c’est à Fichte principalement, qu’il appartenait de délivrer les scholastiques dialecticiens da faux savoir; et de leur montrer la valeur de la croyance, en leur dévoilant l’inanité de la science ou de la raison pure, comme critdrium absolu. Quoi que l’on fasse, on ne saurait aller plus loin que lui dans la voie de l’idéalisme: il a démontré en maître que la conscience ne peut savoir qu’eLku. même; que dans ce que nous appelons la connaissance des choses, noua ne connaissons et ne voyons que nous•même; que les lois de la nature ne sosit que les lois mêmes de notre esprit; et qu’en définitive, nous ne saurions saisir rationnellement la réalité objective ou extérieure. « Le monde extérieur eSt en moi ou hors de moi. S’il est en moi, il n’est pas extérieur. S’il est hors de moi, je ne puis pas le connaître. » Par conséquent, la science pure ne nous peut donner que l’idéalisme absolu; mais pour cela, Fichte ne se croit nullement fondé à professer le doute sur la réalité des êtres, et de l’Univers et de Dieu: « Qui t’a dit que je tienne ce système, tout vrai qu’il soit, pour le » système complet de l’esprit humain? Tu voulais savoir et tu avais pris » une fausse route: tu voulais savoir ce qui est au-delà de toute science. J’ai » voulu seulement te délivrer d’un faux savoir et non te donner le savoir véritable.. Où sera donc le fondement (le notre certitude à l’égard des réalités objecti. » ves? Dans la croyance. « C’est la CROYANCE qui, donnant aux choses Ix * réalité, tes empêche de n’e’ire que de vaines illusions: eUe est ta sanction » de la science. Peut-être pourrait-on même dire qu’à proprement parler, i.L » n’y a réellement pas de science, mais seulement certaines déterminations de » la volonté qui se donnent pour la science, parce que la croyance irs constitue » telles... Si ma volonté est droite, si elle tend constamment vers le bien, la » vérité se révélera sans aucun dout,e à mon intelligence. Sije néglige au cou- » traire de faire bon usage de ma volonté, si c’est par la volonté seule quej » prétends vi’.re, il est certain que tout ce que je gagnerai par là, ne seni » qu’une frivole adresse à agiter quelques subtilités, dans le vide des abstrac • tuons. Dès lors, il m’est facile d’écarter toute fausse science qui voudrait prévaloir contre ma croyance. Je sais qu’il n’appartient pas à la penséi d’engendrer à elle seule la vérité. Je sais que toute vérité qui ne se réclame » pas (le la croyance, qui ne s’appuie que sur la science, est par cela même de » toute nécessité incomplète et trompeuse, caria science ne nous apprend que » cette seule chose: c’est que nous ne savons rien. * — 43 — Cette opinion de Fichte sur le rôle de la volonté dans la question de certitilde, rappelle de tout point celle de Pascal: « La volonté est un des principaux «organes de la croyance; non qu’elle forme la croyance, mais parce que les « choses paraissent vraies ou fausses, selon la face par où on les regarde. La conclusion de Fchte, l’auteur doit la connaître. « Le monde n’est pas, « parce que nous le savons: il n’en est pas moins cependant, mais il est « parce que nous le croyons. » Elle revient au fond à celle que Jacobi formulait dans un langage moins rigoureux. Nous comprenons la science parce qu’ele est notre ouvrage, tandis que le savoir immédiat est un mystère. Théoriquement, l’idéalisme ne peut être réfuté, mais il ne peut se maintenir dans la pratique. Ainsi la croyance? Voilà où il faut aborder si l’on ne veutfaire naufrage et tomber dans les abtmes du doute, du nihilisme universel. La croyance, nul n’échappe à cè bes9in. La croyance est le joug inévitabI que porte sans le » voir celui à qui le don de la vue a été refusé, que porte en le voyant celui » dont les yeux sotit ouverts, mais dont ni lun ni l’autre ne saurait s’affran» chir. Nous naissons tous dans fa croyance; et Fichte aurait pu ajouter » avec Jacobi: nous mourons tous dans la croyance, » Maintenant que vous dirai-je, en présence d’une humanité qui, fatalement, reste et rEstera toujours croyante au fond? Accumulez toutes les imaginations folles, toutes les affirmations icsensées, toute la sophistique des faux savans, toutes les débauches d’un esprit perverti par la mauvaise volonté, entraîné par des passions effervescentes, ébloui par la plus présomptueuse ignorvnce, jamais vous ne créerez rien de comparable à cette monstruosité de l’ordre intellectuel et moral; la négation sytématique d’un êlre, raison et cause première de l’univers, toute puissance, toute sagesse, toute bonté, et toute prévoyante et -ponrvoyante dans sa providence. Nies: la bonté, la toute-puissance, l’universelle providence de Dieu; c’est l’interpréter comme on ferait d’un être imparfait; c’est jeter un linceul sur la réalité des réalités ; tarir la source de toute vie, de toute esp4rrnce, de tout amour; c’et nier le principe, la raison, la cause et la fin des choses, scinder le principe de sa conséquence; la cause de son elfet, et rompre le lien qui unit le père etla mère à l’enfant. Voyez-vous Dieu, qui nous aurait donné la raison, “intelligence précisément, et tout exprès, pour Je condamner, pour Le trouver en défaut de sagesse; et l’idée morale, justement pour nous donner le droit d’affirmer son immoralité; et la Bonté pour mieux sentir sa méchanceté; et la force pour mieux l’accuser d’impuissance. O déraison de la raison T O folie de l’orgueil’ Vous qui venez juger Dieu, qui êtes-vous? une intelligence bornée: Dès lors, inévitable que vous ne puissiez voir toutes les raisons qui permettraient de résoudre la question contre Dieu. Précisément, parce que celui seul qui eSt, vous a donné tout ce que vous avez, jusqu’à la vie, jusqu’à l’être même, et en particulier la raison, vous ne pouvez le juger à son désavantage. Si la raison ne saurait se contrôler elle-même, à plus forte raison ne sauraitelle jug*r la raison de la raison. Plaisante prétention I Si Dieu a une nature déterminée absolument, elle doit l’être par je ne sais quel des fin, qui sera donc le Dieu supérieur et dernier, c’est-à-dire, le Dieu vrai; et alors nous trouvons en lui cette toute-puissance et cette toute bonté que vous refusez à Dieu; — car il nous faut toujours en venir à tin être qui, n’ayant pas de cause ni de raison d’être, au-dessus de lui, s’est donné toutes les perfections, et pr conséquent, pufssance, amour et sagesse infinis et absolus, c’est-à-dire, des attributs sans conditions et sans limites. Mais si Dieu s’est donné ou s’il a éternellement toutes Les perfections1 sou 44 — essence exclut le mal absolu; le bien, c’est lui-même, et le mal n’est que la; limite du bien dans les créatures. Arrivé au dernier terme où gît et se ren contre l’infini, l’absolu, tout est bien absolument pour la raison, parce que tout est nécessairement, mais d’une nécessité morale, cc qu’il doit dtrc. Mais revenons à notre critérium de certitude: Non seulement j’ai l’idée nécessaire, naturelle, d’un être parfait d’une perfection au-delà de laquelle il n’y a rien; mais ce qui fait ma démonstration,je nourris, dès le début de ma vie, avec tout le genre humain, une foi irrésistible, constante, sinon involontaire, en l’existence de cet être. Cela me suffit: les argumens (lu sophiste pouvent maintenant venir battre ma pensée; elle n sa base et son appui dans la première (les certitudes. Eh I mes grands enfans, qui vous dites athées résolus, changez une disposition (lu coeur, soyez d’une volonté reconnaissante, et voilà que d’impies vous devenez religieu peut-être par excès, autant que vous l’êtes par défaut. Je vois une affinité constante entre la croyance en Dieu et la grandeur morale, entre le sentiment religieux et la charité ou la bonne pratique so claIe. Lorsque des hommes s’élèvent dans cette atmosphère du mysticisme divin, ils se font presque toujours acclamer, admirer ou bénir du genre humain par leur vie, leur abnégation, leurs oeuvres. Je ne vois rien de semblable dans l’athéisme. Confucius, Socrate, Moïse, Jésus-Christ auront un nom glorieux par-dessus tous jusqu’à la fin des siè• des.... Où sont les athées et les indifférons que l’humanité vénère? Oui! l’homme (lêpauillé d’une foi vive et profonde en Dieu, ou d’habi tuées contractées matinalement, dans un milieu empreint, depuis des siècles, des salutaires émanations d’une religion longtemps toute puissante, un tel homme, s’il n’a pas même la foi scientifique, s’il est athée, sera laid comme’ l’Egoïme et la Peur, s’il est logique; et vérifiera par ses actes, cette cruelle sentence de Hobbes Homo homini lupus. C’est pourquoi les hommes qui consulterort l’universelle expérience coin- prendront que toute la sollicitude sociale doit se concentrer sur la question religieuse afin de former des générations confiantes en Dieu et s’aimant comme des frères à cause de son saint nom» Ce n’est pas la première fois que l’humanité dans ses crises se trouve désolée par ses penseurs. A Roine aussi, le doute, le sepdcisme absolu, l’athéisme, le sensualisme, et le plus abject fatalisme, avaient envahi les ûmcs à l’heure môme ou agonisait la vieille religion païenne Eh bien, avant peu, après deux mile ans de catholicisme, Rome va vériflr de nouveau la grande loi de la transfiguration et de la palingénésie. Continuez ici de confond»e la transformation des croyances avec la mort de toute croyance; achevez de démoralisei’ la multitude; mais ne croyez pas avoir fait table rase pour toujours, et éterniser os ruices. Plus vite vous hâterez la chute des choses qui ont passé, plus vite s’édifiera dans la Libcrtd la nouvelle synthèse et la nouvelle union religieuses; plus vite l’humanité remontera à la source éternelle de toute vie. Rien ne saurait suppléer la Religion et la moi-ale; rien, ni législation, ni institutions, ni organisation, ne peut tenir lieu des bonnes moeurs, de la bonne volonté pour Dieu et le prochain, (le l’amour du bien qui porte au bonnes actions; à l’unité, à l’harmonie, qui font que l’on préfère sacrifier ses goûts, ses opinions même, p!uLût que de te diviser de ses fières, de se séparer de la Société. Le pivot de l’unité sociale, c’est Dieu, le sentiment et l’idée religieuse; c’est unedoctrine ou un ensemble de I-éponse’aux questions qui se rapportent à notre félicité, à notre destinée, ‘n notre origine et à notre fin. L’ordre social, en efiet, est toujours en raison de l’unanimité des hommes dans ces réponses. Dès que — 45 — chez un peuple la majorité n’est plus unanime sur les croyances fondamentales, il n’y n plus